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TROISIÈME ENNÉADE.


un désert et les oreilles des hommes qui peuvent s’y trouver : en quelque endroit que vous prêtiez l’oreille à cette voix, vous la saisirez tout entière en un sens, non tout entière en un autre sens. Comment saisirons-nous donc quelque chose en approchant notre intelligence du Bien ? Pour voir là-haut[1] le principe qu’elle cherche, il faut que l’intelligence retourne pour ainsi dire en arrière, que, formant une dualité, elle se dépasse elle-même en quelque sorte[2], c’est-à-dire qu’elle cesse d’être l’intelligence de toutes les choses intelligibles. En effet, l’Intelligence est la vie première, l’acte de parcourir toutes choses, non [comme le fait l’Âme[3]] par un mouvement qui s’accomplit actuellement (διεξόδῷ διεξούσῃ)[4], mais par un mouvement qui est toujours accompli et passé (διεξόδῷ διεξελθούσῃ)[5]. Donc, si l’Intelligence est la vie, l’acte de parcourir toutes les choses, si elle possède toutes choses distinctement, sans confusion (sinon elle les posséderait d’une manière imparfaite et incomplète), elle doit nécessairement procéder d’un principe supérieur qui, au lieu d’être en mouvement, est le principe du Mouvement [par lequel l’Intelligence parcourt toutes choses], de la Vie, de l’Intelligence, enfin de toutes choses. Le principe de toutes choses ne saurait être toutes choses, il en est seulement l’origine. Il n’est lui-même ni toutes choses, ni une chose particulière, parce qu’il engendre tout ; il n’est pas non plus multitude, parce qu’il est le principe de la multitude[6]. En effet,

  1. Nous lisons avec M. Kirchhoff ϰάϰεῖ au lieu de ϰάϰεῖνα.
  2. Saint Augustin emploie la même expression en décrivant la vision ineffable de Dieu : « Ipsa sibi anima sileat, et transeat se non cogitando, etc. » (Confessiones, IX, 10.)
  3. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § XXXII, t. I, p. LXXI-LXXII.
  4. Voy. ci-dessus, liv. VII, § 2. p. 175.
  5. Ibid., § 10, p. 198.
  6. « Dieu est nommé un parce que, dans l’excellence de sa singularité absolument indivisible, il comprend toutes choses, et que, sans sortir de l’unité, il est le créateur de la multiplicité : car rien n’est dépourvu d’unité ; mais comme tout nombre participe à l’unité, tel-