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QUATRIÈME ENNÉADE.


Toutes les perceptions cependant appartiennent à des formes [aux facultés de l’âme] et se ramènent à une forme [à l’âme] qui peut devenir toutes choses[1]. C’est ce qui est démontré encore par la nécessité, pour les impressions, de venir toutes aboutir à un centre unique. Sans doute les organes au moyen desquels nous percevons ne peuvent nous faire percevoir toutes choses, et par conséquent les impressions diffèrent avec les organes ; néanmoins, le jugement de ces impressions appartient à un seul et même principe, qui ressemble à un juge attentif aux paroles et aux actes soumis à son appréciation[2]. Mais on a dit plus haut[3] que c’est un seul et même principe qui produit les actes appartenant à des fonctions différentes [comme le sont la vue et l’ouïe]. Si ces fonctions sont comme les sens, il n’est pas possible que chacune d’elles pense[4] ; l’Âme universelle en est

  1. M. Kirchhoff lit : πάσας μέντοι εἰδῶν εἶναι εἰς πάντα δυναμένων μορφοῦσθαι, « toutes les perceptions appartiennent à des formes qui peuvent devenir toutes choses, » ce qui offre aussi un sens satisfaisant. Voy. plus loin, liv. VI, § 3.
  2. « Quid ? quod eadem mente res dissimillimas comprehendimus ut colorem, saporem, calorem, odorem, sonum ; quæ nunquam quinque nuntiis animus cognosceret nisi ad eum omnia referrentur, et is omnium solus judex esset. » (Cicéron, Tusculanes, 1, 20.) Voy. aussi Aristote, De l’Âme, III, 1, 2, 3.
  3. Ces mots rappellent le commencement du § 3.
  4. Cette phrase n’est pas rendue d’une manière claire par Ficin. Le sens en est : εἶτε [τὰ διαφόρα τῶν ἔργων], si les fonctions différentes [c’est-à-dire si les âmes qui sont regardées comme des fonctions différentes de l’Âme universelle], ὡς αἱ αἰσθήσεις, sont [par rapport à l’Âme universelle] comme les sens [par rapport à l’âme particulière], οὖκ ἕνι ἕϰαστον αὐτῶν νοεῖν, il n’est pas possible que chacune d’elles [chacune des âmes particulières regardées comme des fonctions de l’Âme universelle] pense [par elle-même, c’est que je voudrais savoir s’il est en nous un seul et même principe, avec lequel nous atteignons, par les yeux, ce qui est blanc ou noir, et les autres objets par les autres sens ; et si à chaque espèce de sensations correspondent des organes corporels. » (Théétète, p. 184 ; t. II, p. 156, de la trad. de M. Cousin.)