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QUATRIÈME ENNÉADE.


qu’Épiméthée rejette le don de Prométhée, n’est-ce pas pour indiquer qu’il vaut mieux vivre dans le monde intelligible[1] ? Quant au créateur de Pandore, il est lié, parce qu’il semble attaché à son œuvre. Mais ce lien est tout extérieur, et il est brisé par Hercule, parce que celui-ci possède une force libératrice.

Qu’on interprète de cette manière ou d’une autre le mythe de Pandore, il est constant qu’il indique les dons que le monde a reçus, et sa signification est d’accord avec notre doctrine.

XV. En descendant du monde intelligible, les âmes viennent d’abord dans le ciel, et elles y prennent un corps au moyen duquel elles passent même dans des corps terrestres, selon qu’elles s’avancent plus ou moins loin [hors du monde intelligible]. Il en est qui vont du ciel dans des corps d’une nature inférieure ; il en est aussi qui passent d’un corps dans un autre. Ces dernières n’ont plus la force de remonter au monde intelligible parce qu’elles ont oublié ; elles sont appesanties par le fardeau qu’elles traînent avec elles. Or les âmes diffèrent soit par les corps auxquels elles sont unies, soit par leurs destinées diverses, soit par leur genre de vie, soit enfin par leur nature primitive. Différant ainsi les unes des autres sous tous ces rapports ou sous quelques-uns seulement, les âmes ou succombent ici-bas au Destin, ou tantôt y sont soumises et tantôt s’en affranchissent, ou bien, tout en supportant ce qui est nécessaire, conservent la liberté de se livrer aux actes qui leur sont propres et vivent d’après une autre loi, d’après l’ordre qui régit tout l’univers. Cet ordre embrasse toutes les raisons [séminales] et toutes les causes, les mouvements des âmes

  1. Ici Plotin s’écarte encore d’Hésiode en faisant d’Épiméthée un sage. On trouve la même idée dans Himérius (Himerii eclogœ, p. 745, éd. Wernsdorf). Le mythe de Pandore a encore été interprété de diverses manières par Plutarque (De audiendis poetis, p.23), [[|Julien]] (Discours VI, p. 194), Thémistius (Orationes, XXVI, p. 338).