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QUATRIÈME ENNÉADE.


nées précédemment ne nous semble exprimer convenablement le rapport de l’âme avec le corps, dirons-nous que l’âme est dans le corps comme le pilote dans le navire ? Cette comparaison est bonne pour exprimer que l’âme est séparable du corps ; mais elle n’indique pas encore convenablement la manière dont l’âme est présente au corps. Si l’âme est dans le corps comme le passager est dans le navire, elle n’y sera que par accident ; si elle y est comme le pilote est dans le navire qu’il gouverne, la comparaison ne sera pas encore satisfaisante : car le pilote n’est pas dans tout le navire comme l’âme est tout entière dans tout le corps[1]. Dirons-nous que l’âme est dans le corps comme le serait l’art dans ses instruments, dans un gouvernail par exemple, que nous supposerions animé et renfermant en lui-même la puissance de gouverner le navire avec art ? Cette comparaison est encore impropre en ce que l’art vient du dehors. Si, assimilant l’âme à un pilote qui serait incarné dans son gouvernail, nous la plaçons dans le corps comme dans un instrument naturel (ἐν ὀργάνῳ φυσιϰῷ)[2] de telle sorte qu’elle le meuve à son gré, aurons-

  1. Voy. les passages d’Aristote, de Descartes et de Bossuet cités t. I, p. 358 (note 2) et 359 (note 1). Aristote paraît avoir lui-même emprunté cette comparaison au Critias de Platon (p. 109). Cette comparaison a été reproduite ensuite par beaucoup de philosophes platoniciens, tels que Philon (De opificio mundi, t. I, p. 28 ; De migratione Abraham, t. III, p. 412, éd. Pfeiff), Numénius (Voy. les fragments traduits dans le tome I, p. CIII), Proclus (Commentaire sur le Cratyle, § 69, p. 33, éd. Boissonade ; Commentaire sur le premier Alcibiade, p. 109-110, éd. Cousin), etc.
  2. Cette comparaison est employée par Aristote : « De même que la faculté de couper est l’essence de la hache, et que la vision est l’essence de l’œil, de même la veille est une réalité parfaite, une entéléchie ; et l’âme est comme la vue et comme la puissance de l’instrument. Le corps n’est que ce qui est en puissance ; et de même que l’œil est à la fois la pupille et la vue, de même aussi l’âme et le corps sont ici l’animal… Tous les corps formés par la