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LIVRE QUATRIÈME.

quand elle se replie sur elle-même. En effet, ce qui s’applique à l’immuable éprouve nécessairement quelque mutation à son égard, puisqu’il n’y reste pas toujours appliqué. À parler rigoureusement, il n’y a pas changement lorsque l’âme se détache des choses qui lui appartiennent pour se tourner vers elle-même, et vice versa : car elle est toutes choses, et l’âme avec l’intelligible ne font qu’un. Mais, quand l’âme est dans le monde intelligible, elle devient étrangère à elle-même et à ce qui lui appartient ; alors, vivant purement dans le monde intelligible, elle participe à son immutabilité, elle est tout ce qu’il est : car, dès qu’elle s’est élevée à cette région supérieure, elle doit nécessairement s’unir à l’intelligence, vers laquelle elle s’est tournée et dont elle n’est plus séparée par aucun intermédiaire et en s’élevant à l’intelligence, l’âme se met en harmonie avec elle et par suite s’y unit d’une manière durable, de telle sorte que toutes les deux soient à la fois une et deux. Dans cet état, l’âme ne peut changer, elle est appliquée d’une manière immuable à la pensée, et elle a en même temps conscience d’elle-même, parce qu’elle ne fait plus qu’une seule et même chose avec le monde intelligible.

III. Quand l’âme s’éloigne du monde intelligible, quand, au lieu de continuer à ne faire qu’un avec lui, elle veut en devenir indépendante, s’en distinguer et s’appartenir, quand enfin elle incline vers les choses d’ici-bas, alors elle se souvient d’elle-même. Le souvenir des choses intelligibles l’empêche de tomber, celui des choses terrestres la fait descendre ici-bas, celui des choses célestes la fait demeurer dans le ciel. En général, l’âme est et devient les choses dont elle se souvient. En effet, se souvenir, c’est penser ou imaginer ; or imaginer, ce n’est pas posséder une chose, c’est la voir et lui devenir conforme. Si l’âme voit les choses sensibles, par cela même qu’elle les regarde, elle a en quelque sorte de l’étendue. Comme elle