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LIVRE QUATRIÈME.


eût-il même alors dans le corps aucune disposition à la colère. Cette affection semble donc nous avoir été donnés par la nature pour nous faire repousser d’après les ordres de la raison ce qui nous attaque et nous menace. Ainsi, ou bien la puissance irascible s’émeut en nous d’abord sans le concours de la raison et elle lui communique ensuite sa disposition par l’intermédiaire de l’imagination ; ou bien la raison entre d’abord en action et elle communique en› suite son impulsion à la partie qui à une nature irascible[1]. Il en résulte que dans les deux cas[2] la colère à son origine dans la puissance végétative et générative, qui, en organisant le corps, l’a rendu capable de rechercher ce qui est agréable, de fuir ce qui est pénible : en plaçant la bile amère dans l’organisme, en lui donnant un vestige de l’âme, elle lui a communiqué l’acuité de s’émouvoir en présence des objets nuisibles, de chercher, après avoir été lésée, a léser les autres choses et à les rendre semblables à elle-même[3]. Ce qui prouve que la colère est un vestige de l’âme.

  1. Plotin commente ici le passage suivant de Platon : « Le cœur, nœud des veines et source du sang qui circule impétueusement dans tous les membres, fut placé par les dieux dans la demeure des satellites de la raison [dans la région entre le diaphragme et le cou], afin que, quand les passions énergiques s’irriteraient à la nouvelle, donnée par leur souveraine, de quelque action injuste commise dans ces membres par une cause extérieure ou même par les désirs intérieurs des passions sensuelles, aussitôt, par l’intermédiaire de tous ces conduits étroits, toutes les parties sensibles du corps, toutes celles qui peuvent sentir les avertissements et les menaces, reçussent rapidement les ordres, les suivissent entièrement. et permissent qu’en elles la partie meilleure de nous-mêmes eût partout l’autorité. » (Timée, p. 70 ; p. 189 de la trad. de M. H. Martin.)
  2. Ficin n’a pas compris le sens d’ἄμφω, qu’il traduit par natura tam irascendi quam concupiscendi. ἄμφω s’explique par les mots τὸ μὲν ἐγειρόμενον ἀλόγως, τὸ δὲ ἀρχόμενον ἀπο λόγου, qui sont dans la phrase précédente.
  3. Plotin fait ici allusion au passage suivant de Platon : « Les dieux formèrent le foie dense, poli, brillant, doux. mais renfermant de l’amer-