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QUATRIÈME ENNÉADE.


art, les magiciens rapprochent les natures qui ont un amour inné les unes pour les autres ; ils unissent une âme à une autre âme comme on marie des plantes éloignées ; en employant des figures qui ont des vertus propres, en prenant eux-mêmes certaines attitudes, ils attirent à eux sans bruit les puissances des autres êtres et les font conspirer à l’unité d’autant plus facilement qu’ils sont eux-mêmes dans l’unité. Un être disposé de la même manière, mais placé en dehors du mande, ne saurait rapprocher de lui par des attractions magiques ni enchaîner par son influence aucune des choses que le monde renferme ; au contraire, dès qu’il n’est pas étranger au monde, il peut attirer vers lui d’autres êtres, sachant comment ils sont attirés les uns par les autres dans l’animal universel. Il y a en effet des invocations, des chants, des paroles, des figures, par exemple, certaines attitudes tristes, certains sons plaintifs, qui ont un attrait naturel. Leur influence s’étend même sur l’âme, j’entends l’âme irraisonnable : car ce n’est ni la volonté, ni la raison qui se laisse subjuguer par les charmes de la musique. On ne s’étonne pas de cette magie de la musique ; cependant ceux qui font de la musique charment et inspirent de l’amour sans y penser. La vertu des prières ne repose pas non plus sur ce qu’elles seraient entendues par des êtres qui prennent des déterminations libres : car ce n’est pas au libre arbitre que s’adressent les invocations. Ainsi, quand un homme est fasciné par un serpent, il ne comprend pas, ne sent pas l’action exercée sur lui ; il ne s’aperçoit de ce qu’il éprouve que quand il l’a éprouvé[1] (la

  1. Pline dit à ce sujet dans son Histoire naturelle (XXVIII, 2) : « Non pauci etiam (credunt) serpentes ipsas recanere, et hunc unum illis esse intellectum. » Creuzer, dans ses Notes (t. III, p. 236), cite un exemple propre à éclaircir ce que Plotin dit sur la puissance magique attribuée aux serpents : « Apud Aristotelem, qui fertur, in Mirabil. Auscultationibus (162), Thessala venefica serpentem