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LIVRE CINQUIÈME.


ou continus de manière à former une espèce d’unité, l’âme approche des choses sensibles, en sorte qu’il s’établit entre elle et ces choses une communauté d’affection (ὁμοπαθεία). Qu’il doive y avoir contact entre l’organe et l’objet connu, c’est évident pour les objets tangibles, mais c’est douteux pour les objets visibles. Le contact est-il aussi nécessaire pour l’ouïe, c’est une question que nous discuterons plus tard [§ 5]. Pour le moment, nous allons examiner si, pour voir, il est nécessaire qu’il y ait un milieu entre l’œil et la couleur.

S’il y a un milieu, c’est par accident ; il ne contribue en rien à la vision[1]. Puisque les corps opaques, les corps terreux, par exemple, empêchent de voir, et que nous voyons d’autant mieux que le milieu est plus subtil, on pourra dire que les milieux contribuent à la vision, ou que du moins, s’ils n’y contribuent pas, ils ne sont pas un obstacle ; mais on pourra dire également [en se fondant sur le même fait] qu’ils sont un obstacle.

Examinons si [comme on le prétend] le milieu reçoit le premier et transmet l’affection et en quelque sorte l’empreinte. À l’appui de cette opinion, on dira que, si quelqu’un se tient devant nous en dirigeant ses regards vers la couleur, il la voit aussi ; or la couleur ne parviendrait pas jusqu’à nous si le milieu n’éprouvait pas une affection[2]. — Il ne semble pas nécessaire que l’affection soit éprouvée

  1. Plotin combat ici la théorie d’Aristote : « Démocrite n’a donc pas raison de penser que si le milieu devenait vide, on verrait parfaitement bien même une fourmi dans le ciel. Cela est tout à fait impossible. La vision ne se produit que quand l’organe sensible éprouve quelque affection. Or il ne se peut pas qu’il soit affecté directement par la couleur même qui est vue ; reste donc qu’il le soit par le milieu. Ainsi le milieu est indispensable ; et, si le vide existait, non seulement on ne verrait pas bien, mais on ne verrait pas du tout. » (De l’Âme, II, 7 ; trad. de M. Barthélemy-Saint-Hilaire, p. 213.)
  2. Pour cette phrase,