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QUATRIÈME ENNÉADE.


n’aurait pas besoin de lumière s’il n’était pas ténébreux : car [pour que la vision ait lieu], il faut que les ténèbres, qui font obstacle à la vision, soient vaincues par la lumière. C’est peut-être pour cette raison qu’un objet placé très près de l’œil n’est pas vu : car il apporte avec lui l’ombre de l’air et la sienne propre.

III. Une forte preuve que les formes des objets sensibles ne sont pas vues parce que l’air, étant affecté, les transmettrait en quelque sorte de proche en proche, c’est que dans l’obscurité on voit le feu, les astres et leurs figures. Personne ne saurait prétendre que, dans ce cas, les formes des objets, étant imprimées à l’air obscur, sont transmises jusqu’à l’œil ; sinon, il n’y aurait pas d’obscurité, puisque le feu éclairerait en transmettant sa forme. En effet, dans une obscurité profonde où l’on ne voit point la clarté des astres, on aperçoit le feu des signaux et des phares. Si quelqu’un, se mettant en opposition avec le témoignage de la sensation, prétend que dans ce cas même le feu pénètre l’air, nous lui répondrons que la vue devrait alors distinguer les plus petits objets qui sont dans l’air au lieu de se borner à apercevoir le feu. Si donc on voit ce qui est au delà d’un milieu obscur, on le voit bien mieux quand il n’y a pas de milieu. — Mais, nous objectera-t-on peut-être, lorsqu’il n’y a pas de milieu, on ne voit point. — C’est, non parce qu’il n’y a pas de milieu, mais parce que la sympathie de l’animal [universel] est alors détruite, puisqu’elle suppose que les parties de cet animal ne forment qu’un seul être. Il semble en effet que la sensation a pour condition générale que l’animal universel soit sympathique à lui-même ; sans cela, comment une chose participerait-elle à la puissance d’une autre chose dont elle serait très éloignée ?

Voici encore une autre question [relative au même sujet] qui nous paraît digne d’examen : S’il existait un autre monde et un autre animal qui n’eût aucun rapport avec notre monde, si de plus il y avait à la surface du ciel un