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LIVRE SEPTIÈME.


l’âme[1]. De quelle nature sera donc cette molécule qu’on suppose posséder la vie par elle-même ? Sera-t-elle d’eau, d’air, de terre, ou de feu[2] ? Mais ce sont là des éléments inanimés par eux-mêmes, et qui, lors même qu’ils sont animés, n’ont qu’une vie empruntée. Il n’y a cependant pas d’autre espèce de corps. Ceux même qui ont admis d’autres éléments [que l’eau, l’air, la terre et le feu] les ont cependant regardés comme des corps, et non comme des âmes ; ils ne leur ont pas attribué la vie[3]. — Dira-t-on que la vie résulte de la réunion de molécules dont aucune cependant ne possède la vie par elle-même ? Ce serait faire une hypothèse absurde. — Dira-t-on enfin que chaque molécule possède la vie ? Alors, une seule suffit.

Ce qu’il y a de plus contraire à la raison, c’est d’avancer qu’une agrégation de molécules produit la vie, que des éléments sans intelligence engendrent l’intelligence. — Il faut, dira-t-on, que, pour produire la vie, ces éléments soient mêlés d’une certaine manière (οὐχ’ ὡποσοῦν ϰραθέντα). — Alors, il doit y avoir un principe qui produise l’ordre et soit la cause de la mixtion (ϰρᾶσις)[4], et ce principe seul mérite d’être regardé comme l’âme. Il n’existerait pas de

  1. Ce passage est cité par le P. Thomassin, Dogmata theologica, t. I, p. 197.
  2. Ce que Plotin dit dans le § 2 paraît s’appliquer aux philosophes de l’école d’Ionie : « Selon Anaximène, Archélaüs, Diogène, l’âme est d’air, ἀερώδης ; selon Hippon, d’eau, ἐξ ὕδατος ; selon Héraclite, d’une nature lumineuse, φωτοειδής. (Stobée, Eclogœ physicœ, p. 797, éd. Heeren.) Voy. aussi Aristote, De l’Âme, I, 2.
  3. Plotin paraît faire ici allusion aux principes mathématiques des Pythagoriciens.
  4. Le mot ϰρᾶσις signifie mixtion (t. I, p. 243), tempérament. Il est possible que Plotin ait ici en vue non-seulement les philosophes ioniens, mais encore Hippocrate et Galien, selon lesquels l’âme est tel tempérament du corps, τοιάδε ϰρᾶσις τοῦ σώματος (Némésius, De la Nature de l’homme, ch. II). Voy. sur ce sujet le discours du médecin Éryximaque dans le Banquet de Platon. Voy. encore ci-après, dans l’Appendice, les fragments de Jamblique : De l’Âme, § 2.