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LIVRE SEPTIÈME.


la mixtion s’opère de cette manière dans chaque partie, et qu’il ne reste aucune partie de la masse qui ne soit divisée, il faut que le corps soit divisé en points, ce qui est impossible. En effet, si cette division est poussée à l’infini, puisque tout corps et toujours divisible, il faudra que les corps soient infinis non-seulement en puissance, mais encore en acte. Il est donc impossible qu’un corps tout entier en pénètre un autre tout entier. Or l’âme pénètre le corps tout entier. Elle est donc incorporelle[1].

[14° Si, comme le prétendent les Stoïciens, l’homme était d’abord une habitude (c’est-à-dire une certaine nature)[2] ; puis une âme, enfin une intelligence, le parfait naîtrait de l’imparfait, ce qui est impossible.]

Dire que la première nature de l’âme est d’être un esprit, que cet esprit n’est devenu âme qu’après avoir été exposé au froid et trempé en quelque sorte par son contact, parce

  1. On trouve la même démonstration dans Némésius : « Voici le raisonnement de Chrysippe : La mort est la séparation de l’âme d’avec le corps ; mais une chose qui n’est pas corps ne se sépare pas d’avec le corps, puisqu’elle ne peut pas s’y joindre ; or, l’âme se joint au corps et elle s’en sépare ; l’âme est donc un corps. Il est vrai que la mort est la séparation de l’âme d’avec le corps ; mais en disant, en général, que ce qui n’est pas corps ne peut pas se joindre au corps, on commet une erreur, quoique cela soit vrai si l’on parle de l’âme. C’est faux, en général, puisque la ligne, qui n’est point un corps, est jointe au corps et peut en être abstraite ; il en est de même de la blancheur. Mais s’il s’agit de l’âme, cela est vrai, parce que l’âme n’est pas jointe au corps : car, si elle y est jointe, il est évident qu’elle lui est coétendue ; or, dans ce cas, elle n’est pas coétendue au corps tout entier, parce qu’il n’est pas possible qu’un corps soit coétendu à un autre corps tout entier (ἀδύνατον σῶμα σώματι ὅλον ὅλῳ παραϰεῖσθαι) ; ainsi, l’animal ne serait pas animé tout entier. S’il est animé tout entier, l’âme n’est pas jointe au corps, elle n’est pas elle-même un corps et elle se sépare du corps sans être elle-même un corps. » (De la Nature de l’homme, ch. II ; p. 86 de la trad. de M. Thibault.)
  2. Voy. t. I, p. 221, note 3.