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LIVRE HUITIÈME.


Ce que Platon appelle la caverne[1], et Empédocle l’autre, c’est, je crois, le monde sensible[2] ; briser ses chaînes et sortir de la caverne, c’est, pour l’âme, s’élever au monde intelligible. Dans le Phèdre, Platon affirme que la cause de la chute de l’âme, c’est la perte de ses ailes, qu’après être remontée là-haut, elle est ramenée ici-bas par les périodes [de l’univers], qu’il y a des âmes envoyées sur la terre par les jugements, les sorts, les conditions, la nécessité ; en même temps, il blâme la descente de l’âme dans le corps[3]. Mais, dans le Timée, en parlant de l’univers, il loue le monde et l’appelle un dieu bienheureux[4] ; il dit que le Démiurge, étant bon, lui a donné une âme pour le rendre intelligent, parce que, sans âme, l’univers n’aurait pu être intelligent comme il devait l’être[5]. Donc, si l’Âme universelle a été introduite par Dieu dans le monde, si chacune de nos âmes y a été également envoyée, c’était pour qu’il fût parfait : car il fallait que le monde sensible contînt des espèces d’animaux semblables et en pareil nombre à celles que contient le monde intelligible[6].

II. Ainsi, en interrogeant Platon sur notre âme, nous sommes amenés à rechercher en général comment l’âme a été conduite par sa nature à entrer en commerce avec le corps. Nous arrivons par là à nous poser les questions suivantes : Quelle est la nature du monde où l’âme vit ainsi, soit par sa volonté, soit par nécessité, soit de quelque autre manière ? Le Démiurge [qui est l’Âme universelle] agit-il sans rencontrer d’obstacle, ou en est-il de lui comme de nos âmes ?

  1. Voy. Platon, République, liv. VII. p. 514.
  2. Porphyre dit à ce sujet, dans son traité de l’Antre des Nymphes (§ 8) : « C’est pour cela sans doute que les Pythagoriciens, et, après eux, Platon ont appelé le monde un antre et une caverne. Chez Empédocle, en effet, les puissances qui guident les âmes s’expriment ainsi : Nous sommes arrivées dans cet antre obscur. »
  3. Voy. Platon, Phèdre, p. 246 et suiv.
  4. Voy. Platon, Timée, p. 34.
  5. Ibid., p. 30.
  6. Voy. ci-dessus, p. 238, note 2.