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LIVRE HUITIÈME.


à l’acte. L’âme ignorerait elle-même ce qu’elle possède si ses facultés ne se manifestaient pas par la procession : car c’est l’acte qui partout manifeste la puissance ; celle-ci, sans cela, serait complètement cachée et obscure, ou plutôt elle n’existerait pas véritablement et ne posséderait pas de réalité. C’est la variété des effets sensibles qui fait admirer la grandeur du principe intelligible, dont la nature se fait ainsi connaître par la beauté de ses œuvres.

VI. L’Un ne devait pas exister seul : car, si l’Un demeurait renfermé en lui-même, toutes choses resteraient cachées dans l’Un sans avoir de forme, et nul des êtres ne posséderait l’existence ; par conséquent, la pluralité même constituée par les êtres nés de l’Un n’existerait pas, si de ces êtres ne sortaient par voie de procession (πρόοδος) les natures inférieures, destinées par leur rang à être des âmes ; de même, il fallait que les âmes n’existassent pas seulement, mais encore qu’elles révélassent ce qu’elles étaient capables d’engendrer. En effet, il est naturel à chaque essence de produire quelque chose au-dessous d’elle, de le tirer d’elle-même par un développement semblable à celui d’une semence, développement dans lequel un principe indivisible procède à la production d’un objet sensible, et où ce qui précède demeure à sa propre place en même temps qu’il engendre ce qui suit par un pouvoir ineffable, essentiel aux natures intelligibles[1]. Or, comme ce pouvoir ne

  1. « Dans la vie des êtres incorporels, la procession (πρόοδος) s’opère de telle sorte que le principe supérieur demeure ferme et inébranlable dans sa nature, qu’il donne de son être à qui est au-dessous de lui, sans rien perdre et sans changer en rien. Ainsi, là, ce qui reçoit l’être ne reçoit pas l’être avec une corruption ou un changement ; il n’est pas engendré comme la génération [l’être sensible], qui participe de la corruption et du changement. Il est donc non-engendré et incorruptible parce qu’il est produit sans génération ni corruption. (Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § XXVII ; t. I, p. LXVIII.)