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TROISIÈME ENNÉADE, LIVRES II ET III.


d’Aristote a pour unique cause cette éternelle contemplation de lui-même. Le Dieu de Platon est bon et juste ; le Dieu d’Aristote ne peut avoir ces perfections ni leurs contraires. Pour tout dire en un mot, le Dieu de Platon est une providence, le Dieu d’Aristote une cause finale. »

C. Stoïciens.

Plotin a emprunté aux Stoïciens plusieurs de leurs idées et de leurs termes ; mais il a transformé ces idées et modifié le sens de ces termes. Pour faciliter la comparaison des deux doctrines, nous allons d’abord donner un résumé de celle des Stoïciens :

« Dans chaque être, dit M. Ravaisson, au savant mémoire duquel nous avons déjà fait plus d’un emprunt, les diverses parties, liées les unes aux autres, les phénomènes divers, régulièrement enchaînés, manifestent l’unité de leur cause : cette cause, c’est la raison séminale, dont les parties et les fonctions différentes de l’être ne sont que le développement, et en laquelle elles étaient toutes préordonnées et préconçues.

Or, entre tous les êtres qui composent l’univers, il existe, comme entre les parties de chacun d’eux, une connexion et un accord évidents. Les choses mêmes qui, si on les considère à part, ne semblent que des accidents et des désordres, trouvent dans l’ensemble leur raison et leur justification. Les contraires s’entraident ; le mal même sert au bien[1].

Telle est l’unité du grand tout qui forme le monde[2], que chaque partie se ressent plus ou moins de ce qui arrive aux autres. C’est ce qui fait du monde un tout sympathique à lui-même, comme l’est tout corps vivant, et c’est la preuve qu’il vit, en effet, et qu’il a une âme[3]. Tels sont l’accord et l’harmonie de tant de parties diverses et innombrables, qu’évidemment la beauté est la principale fin en vue de laquelle le monde est ordonné[4], et c’est la preuve que le fond de l’âme qui l’anime est la raison[5], dont l’essence est cette harmonie avec soi et cette conséquence dans laquelle consiste la beauté.

Comme les destinées de chaque être sont préordonnées dans la raison séminale particulière dont il est l’expansion[6], de même

  1. Stobée, Eclogœ phys., I, 3, p. 32 ; Plutarque, Adv. Stoicos, 13, 14.
  2. Cicéron, Acad., I, 8.
  3. Sextus Empiricus, Adv. Math., IX, 78.
  4. Cicéron, De nat. Deor., II, 22.
  5. Diogène Laërce, VII, § 139 ; Cicéron, De nat. Deor., II, 11.
  6. Dans le même ouvrage (p.15), M. Ravaisson explique en ces termes ce que les Stoïciens entendaient par raison séminale : « Il y a en