Page:Plotin - Ennéades, t. II.djvu/61

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
11
LIVRE PREMIER.


choses éprouvent leur influence, que les régions diffèrent les unes des autres d’après leur rapport avec les astres et surtout avec le soleil, que de la nature de ces régions dépendent non seulement les caractères des plantes et des animaux, mais encore les formes des hommes, leur taille, leur couleur, leurs affections, leurs passions, leurs goûts et leurs mœurs. Ainsi, dans ce système, le cours des astres est la cause absolue de tout.

Voici notre réponse :

D’abord, celui qui soutient cette opinion attribue indirectement aux astres tout ce qui nous est propre, ces volontés et nos passions, nos vices et nos appétits : il ne nous accorde point d’autre rôle que de tourner comme des meules, au lieu de produire par nous-mêmes, comme il convient à des hommes, les actes qui appartiennent à notre nature. Cependant, il faut nous laisser ce qui nous appartient, admettre que l’univers se borne à exercer quelque influence sur ce que nous possédons déjà[1] par nous-mêmes et qui nous est réellement propre, enfin distinguer les faits où nous sommes actifs de ceux où nous sommes nécessairement passifs, et ne pas tout rapporter aux astres[2]. Nous ne méconnaissons pas en effet que la différence des lieux et celle du climat aient de l’influence sur nous, nous donnent, par exemple, un tempérament froid ou chaud. Il en est de même de notre naissance : les enfants ne ressemblent-ils pas ordinairement à leurs parents par leurs traits, leur forme, et par quelques affections de l’âme irraisonnable ? Néanmoins, s’ils leur ressemblent par la figure, parce qu’ils sont nés dans les mêmes lieux, ils en diffèrent considérablement par les mœurs et les pensées, parce que ces choses dérivent d’un tout autre principe. Nous pourrions encore invoquer ici à l’appui de cette vérité la résis-

  1. M. Kirchhoff lit ἤθη au lieu d’ἤδη. Ce changement ne nous paraît pas nécessaire.
  2. Voy. les Éclaircissements du t. I, p. 466-473.