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LIVRE PREMIER.


nécessité, puisque le Destin, comprenant toute la série des causes, détermine nécessairement chaque événement. Il n’est rien en effet qui puisse empêcher cet événement d’arriver ou le faire arriver autrement, puisque le Destin comprend toutes les causes. Si tout obéit ainsi à l’impulsion d’un seul principe, il ne nous reste plus qu’à la suivre nous-mêmes. En effet, les conceptions de notre imagination résulteront alors des dits antérieurs et détermineront à leur tour nos appétits : notre liberté ne sera plus qu’un vain nom. De ce que nous obéirons à nos appétits, il n’en résultera pour nous aucun avantage, puisque nos appétits seront eux-mêmes déterminés par des faits antérieurs. Nous n’aurons pas plus de liberté que les autres animaux, que les enfants et les fous, qui courent çà et là, poussés par des appétits aveugles : car eux aussi ils obéissent à leurs appétits, comme le feu même, et comme toutes les choses qui suivent fatalement les dispositions de leur nature.

Ceux qui sont pénétrants reconnaissent la valeur de ces objections ; et, cherchant d’autres causes à nos appétits, ils ne s’arrêtent pas aux principes que nous venons d’examiner[1].

VIII. Quelle autre cause faut-il donc faire intervenir outre les précédentes pour ne laisser rien arriver sans cause, pour maintenir l’ordre et l’enchaînement des faits dans le monde, et conserver la possibilité des prédictions et des présages sans cependant détruire notre personnalité[2] ?

Il faut mettre au nombre des êtres un autre principe, savoir l’âme, non seulement l’âme universelle, mais encore l’âme de chaque individu. Cette âme n’est pas un principe

  1. Il faut rapprocher des objections que Plotin adresse ici aux Stoïciens l’argumentation d’Alexandre d’Aphrodisie dans son traité Du Destin. M. Ravaisson en a donné l’analyse dans son Essai sur la Métaphysique d’Aristote, t. II, p. 305-309.
  2. Voy. les Éclaircissements du tome I, p. 471-473.