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QUATRIÈME ENNÉADE, LIVRE VI.


du vrai[1] ? C’est là certainement une faculté bien plus puissante que celle qui se borne à recevoir, comme la matière, les impressions des objets extérieurs[2]. Cependant la passion éprouvée par le corps vivant précède [l’acte de la connaissance], éveille et excite les forces de l’âme[3]. Quand la lumière frappe les yeux ou que le son retentit à nos oreilles[4], alors, entrant en action, la puissance de l’âme rapproche les formes qu’elle possède en elle des impressions produites sur les organes par les objets extérieurs[5], et combine les images qui viennent des sens avec les conceptions qu’elle tire d’elle-même.

[Prose.] Si, dans la perception, quoique les organes des sens soient affectés par les qualités des objets extérieurs, et que l’acte de l’âme soit précédé par la passion du corps, laquelle provoque l’entendement à entrer en action et réveille les formes qui dormaient inactives dans l’âme[6] ; si dans la perception, dis-je, l’âme ne reçoit pas une empreinte par suite de la passion, mais juge en vertu de sa propre puissance la passion éprouvée par le corps[7], à combien plus forte raison les êtres absolument immatériels ne sont point dans leurs conceptions assujettis aux objets extérieurs, mais tirent tout des actes de leur intelligence ! Aussi voyons-nous que les substances différentes ont des modes de connaissance également différents. Les animaux qui vivent dans la mer, aussi immobiles que les rochers auxquels ils sont attachés, ne possèdent que la sensation sans aucun autre moyen de connaître. Les bêtes qui, par leurs mouvements, nous donnent lieu de croire qu’elles ont des désirs et des aversions joignent aux sens l’imagination. Enfin, la raison est le privilége de la nature humaine, comme l’intelligence est celui de la nature divine. Il en résulte que cette dernière faculté l’emporte sur les autres, parce qu’elle connaît, non-seulement son objet propre, mais encore les objets des autres facultés. » (Consolation de la Philosophie, V, 4, 5.)

On trouve également les idées de Plotin sur ce sujet dans Jamblique, dans Simplicius et dans Priscien. Voy. ci-après p. 662-665.


  1. Cette définition de la raison discursive est tout à fait conforme à celle que Plotin donne de cette faculté. Voy. notre tome I, p. 326-327.
  2. C’est la passivité ou sensibilité extérieure. Voy. Enn. I, liv. I, § 7 ; t. I, p. 43.
  3. Ibid., § 7, p. 43.
  4. Voy. Enn. IV, liv. VI, § 1, 2 ; t. II, p. 426-428.
  5. Ibid., § 3, p. 429-430.
  6. Ibid., § 3, p. 430.
  7. Ibid., § 2, p. 427.