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TRAITÉ DE L’ÂME.


9o Énumérons maintenant, en les distinguant les uns des autres, ceux qui donnent à l’âme une essence mathématique [c.-à-d. une essence intermédiaire entre l’essence sensible et l’essence intelligible].

A. La première espèce d’essence mathématique est la figure (σχῆμα (schêma)), qui est la limite de l’étendue et l’étendue elle-même. Parmi ceux qui professent cette opinion on compte le platonicien Sévérus[1]. Speusippe place l’essence de l’âme dans l’idée de ce qui est étendu en tout sens[2]. Il serait plus raisonnable de faire consister l’âme pure dans la cause de ces choses [de l’étendue et de la figure], ou dans ce qui les unit[3].

    est faible et stupide ; s’il est au contraire bien constitué, elle est forte et intelligente. » (Commentaire sur le Timée, p. 346.) Selon Galien, il y a dans l’homme trois âmes, l’âme concupiscible, l’âme irascible, l’âme rationnelle, qui habitent l’une le foie, l’autre le cœur, l’autre l’encéphale. La matière de ces trois viscères est un mélange des quatre qualités élémentaires, le chaud, le froid, le sec, l’humide ; leur forme est la proportion, le tempérament des qualités élémentaires ; et, comme l’âme est la forme, suivant la théorie d’Aristote, il s’ensuit que les trois âmes ne sont pas autre chose que les tempéraments des trois viscères dans lesquels elles résident. Voy. Galien, Que les mœurs de l’âme suivent le tempérament du corps, chap. III et IV.

  1. « Parmi nos devanciers, dit Proclus (Commentaire sur le Timée, p. 187), les uns ont fait de l’âme une essence mathématique, parce qu’elle tient le milieu entre le sensible et l’intelligible : ils l’appellent un nombre, et la composent de la monade et de la dyade indéfinie, comme Aristander et Numénius : ou bien une grandeur géometrique, formée du point et de la ligne, comme Sévérus. » La définition que Sévérus donnait de l’âme se rattachait au Timée : elle avait pour but d’expliquer comment l’âme est, selon Platon, composée de l’essence indivisible et de l’essence divisible. Cependant Sévérus n’était pas complètement d’accord avec Platon sur la nature de l’âme : car, dans un fragment qu’Eusèbe nous a conservé (Prép. Évang., XIII, 17), il dit que l’âme n’est point formée de deux essences, l’une passible et l’autre impassible, ainsi que l’enseigne Platon, mais qu’elle est simple, impassible et incorporelle.
  2. M. Ravaisson, dans sa dissertation sur Speusippe (Speusippi de primis rerum principiis placita, p. 41-43), propose de lire ἀδιαστάτου (adiastatou) au lieu de διαστατοῦ (diastatou). Cette correction ne nous paraît pas pouvoir se concilier avec le sens général de notre passage, et nous pensons qu’il faut adopter ici l’interprétation proposée par M. H. Martin : « Speusippe niait les nombres intelligibles, c’est-à-dire les idées, et ne reconnaissait que les nombres mathématiques. Dans sa définition, le mot idée ne doit donc pas être pris à la rigueur. Speusippe a sans doute voulu dire que l’âme est une grandeur mathématique incorporelle, non perceptible par les sens. (Études sur le Timée, t. I, p. 375.)
  3. C’est la doctrine exposée par Jamblique dans un fragment que nous a conservé Simplicius (Comm. sur les Catégories, f. 34). C’est aussi la doctrine de Plotin, qui dit que l’espace a été créé par la procession de l’âme (Enn. III, liv. VI, § 17).