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JAMBLIQUE.


sert de matière[1]], il y a d’autres facultés qui dépendent de l’âme [parce qu’elles ne supposent pas l’exercice des organes], mais qui ne constituent cependant pas son essence [parce qu’elles s’exercent sur les données de la Sensation[2]] : telle est [avec l’Opinion et l’Imagination] la Mémoire, qui est la conservation des images[3].

VII[4]. [Facultés rationnelles et intellectuelles : Volonté, Raison discursive, Intelligence[5]]. Quant à l’Intelligence et aux facultés les plus éminentes de l’âme, les Stoïciens disent que la Raison n’est pas innée, qu’elle n’existe pas en nous à priori, mais qu’elle est produite en nous à posteriori, vers l’âge de quatorze ans, par les sensations et les représentations sensibles dont elle est le résultat. — Les Pythagoriciens et les Platoniciens disent au contraire que la Raison est présente même dans les nouveaux-nés, mais qu’elle est obscurcie par les sensations des objets extérieurs et qu’elle sommeille au lieu d’exercer sa fonction propre[6].

Pour l’Intelligence, beaucoup de Péripatéticiens en distinguent deux espèces, l’Intelligence qui provient de la semence (ὁ ἐϰ τοῦ σπέρματος νοῦς (ho ek tou spermatos nous)), l’Intelligence qui provient de la nature (ὁ από τῆς φύσεως νοῦς) : ils affirment que l’une se développe immédiatement dès la naissance, mais que l’autre, l’Intelligence séparable et venue du dehors (ὁ χωρίστος ϰαὶ θύραθεν ϰαλούμενος (ho chôristos kai thurathen kaloumenos)) ne s’ajoute à la précédente que fort tard, quand l’Intelligence en puissance est complètement développée, parce que c’est seulement alors qu’elle peut participer à la pensée en acte[7]. — Beaucoup de Platoniciens eux-mêmes

    § 27.) Ce passage de Simplicius éclaircit ce que Plotin dit de la nature animale : « Du corps organisé et d’une espèce de lumière qu’elle fournit elle-même, l’âme forme la nature animale, qui diffère à la fois de l’âme et du corps, et à laquelle appartient la Sensation ainsi que toutes les Passions que nous avons attribuées à l’animal. » (Enn. I, liv. I, § 7.)

  1. Jamblique dit dans le § IX que l’Appétit et la Sensibilité s’attachent au corps qui leur sert de matière. C’est la théorie de Plotin (Enn. I, liv. I, § 9). Pour la Sensation, Voy. ci-après, § XVIII-XX.
  2. Voy. Porphyre, Des Facultés de l’âme, t. I, p. LXXXVIII.
  3. Cette définition de la Mémoire est le résumé d’un fragment de Porphyre (t. I, p. LXVII, note 4). Pour l’Opinion et l’Imagination, Voy. ci-après, § XXI.
  4. Stobée, Eclogœ physicœ, LI, § 8, p. 790.
  5. La Raison a pour fonction la pensée discursive, et l’Intelligence la pensée intuitive (Porphyre, Des facultés de l’âme, t. I, p. LXXXVIII). Pour la Volonté et la Raison, Voy. ci-dessus, p. 630, note 6 ; pour l’Intelligence, Voy. ci-après, p. 666-668.
  6. Voy. Plotin, Enn. I, liv. I, § 11 ; et Proclus, Comm. sur le Timée, p. 346.
  7. Jamblique explique ici l’expression θύραθεν νοῦς (thurathen nous), qui est empruntée au traité d’Aristote De la Génération des animaux (II, 36), et dont le sens a été controversé (Voy. M. Ravaisson, Essai sur la Métaphysique, t. II, p. 17 ; M. Chauvet, Des théories de l’Entend. hum., p. 368). Némésius (De la Nature de l’Homme, chap. I) s’exprime sur ce point à peu près dans les mêmes termes que Jamblique : « Aristote pense que l’intellect en puissance se forme avec l’homme, mais que l’intellect en acte nous vient plus tard du dehors » (θύραθεν ἡμῖν ἐπεισίεναι (thurathen hêmin epeisienai)) ; il ne concourt pas à l’essence et à l’existence de l’homme, mais il l’aide à connaître et à contempler la nature. » Voy. encore ci-après, p. 668, 675.