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TRAITÉ DE L’ÂME.


immédiatement identiques à leurs actes. De là découle une division qui est en harmonie avec ces principes : je dis, pour m’exprimer conformément à cette nouvelle doctrine, que les actes parfaits, simples et séparés de la matière, sont inhérents aux facultés qui les produisent, et que les actes des âmes imparfaites et divisées sur la terre ressemblent aux fruits produits par les plantes.

En outre, il faut remarquer que les Stoïciens accordent aux êtres inanimés et administrés [par l’âme] toutes les fonctions d’une âme quelconque. — Les Platoniciens n’en font pas autant : car ils enseignent que certaines facultés de l’âme, telles que la Sensibilité et l’Appétit, s’attachent au corps qui leur sert de matière, mais que les facultés qui sont pures, telles que l’Intelligence, ne se servent nullement du corps[1]. Platon ne regarde point comme inhérents au corps par leur essence les actes des facultés corporelles, mais il dit qu’ils lui deviennent communs avec l’âme par la conversion de l’âme vers le corps. Quant aux actes des facultés séparées du corps, il admet qu’ils n’ont aucun rapport avec lui. En effet, d’après ce philosophe, les actes de l’âme universelle et divine sont exempts de tout mélange avec le corps à cause de la pureté de son essence, mais les actes de l’âme particulière et unie à la matière ne sont point purs comme ceux de la précédente ; les actes de l’âme qui remonte [au monde intelligible] et qui s’affranchit de la génération cessent de se rapporter au corps, mais ceux de l’âme qui descend [dans le monde sensible] sont liés et enchaînés au corps de diverses manières ; l’âme qui a pour véhicule (ὄχημα (ochêma)) un esprit pur[2] reçoit par lui facilement ce qui lui vient d’en haut et produit ses actes sans aucune peine, mais les actes de l’âme qui est semée et contenue dans un corps solide contractent la nature corporelle ; enfin, les actes de l’âme universelle convertissent vers eux-mêmes le corps qu’ils administrent, tandis que les actes de l’âme particulière se convertissent eux-mêmes vers le corps dont ils prennent soin[3].

Pour reproduire ces distinctions sous une autre forme, les Péripatéticiens n’attribuent les actes de l’âme qu’à l’animal (c’est-à-dire

  1. Voy. ci-dessus, p. 631, note 5.
  2. L’esprit (πνεῦμα (pneuma)) est le corps étheré qui enveloppe l’âme raisonnable, selon les Néoplatoniciens (Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, xxiii, t. I, p. lxv). Lorsqu’il est pur, c’est-à-dire dégagé de la matière grossière, il rend plus facile le commerce avec les héros, les démons et les anges, qui, selon Porphyre, Jamblique, etc., peuplent les régions de l’air. Voy. S. Augustin, Cité de Dieu, X, 9.
  3. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, xxx, t. I, p. lxix. Voy. encore ci-après, p. 656, note 8.