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TRAITÉ DE L’ÂME.


éloignement de Dieu[1] ; selon Héraclite, le [désir de trouver le] repos dans le changement[2] ; selon les Gnostiques, la folie ou l’égarement[3] ; enfin, selon Albinus, l’erreur du libre arbitre[4]. Les premiers sont d’ailleurs en désaccord avec les derniers sur un autre point : ils assignent pour origine au mal que l’âme fait et souffre les choses qui l’entourent et s’attachent à elle, soit la matière, comme le disent souvent Numénius et Cronius[5], soit le corps, comme l’écrit quelquefois Harpocration[6], soit la nature et la vie irrationnelle, comme Plotin[7] et Porphyre[8] l’affirment dans une foule de passages.

Selon Aristote, les êtres dépourvus de raison diffèrent de l’homme par leurs facultés et leurs autres caractères[9]. — Selon les Stoïciens, les fonctions de la vie communiquées aux êtres sont de plus en plus imparfaites, et, plus elles approchent de la nature irrationnelle, plus elles sont incomplètes par rapport aux fonctions supérieures[10].

Enfin, comme je l’ai entendu dire à certains Platoniciens, tels que Porphyre[11] et beaucoup d’autres, les actes de l’homme deviennent semblables à ceux de la brute, et ceux de la brute devien-

  1. Voy. Empédocle, éd. Sturz, vers 452. Proclus emploie dans le même sens l’expression éloignement de l’unité, ἀπόστασις ἀπὸ τοῦ ἑνός ; (Comm. sur l’Alcibiade, t. II, p. 102, éd. Cousin).
  2. Selon Héraclite, l’âme, qui a une nature ignée, est dans un mouvement perpétuel. Quand elle est fatiguée de faire le tour du ciel avec les astres, elle descend sur la terre où son mouvement se ralentit ; elle trouve donc alors le repos dans le changement, ou, comme dit Plotin (Enn. IV, liv. VIII, § 5), le repos dans la fuite. Voy. ci-après, p. 649, note 5.
  3. Voy. Plotin, Enn. II, liv. IX, § 10, et les Éclaircissements du tome I, p. 508.
  4. Albinus admettait qu’il y a en nous deux âmes, l’une rationnelle et immortelle, l’autre irrationnelle et périssable (Proclus, Comm. sur le Timée, p. 113). On possède encore de ce philosophe une Introduction aux dialogues de Platon.
  5. Pour Numénius, Voy. ci-dessus, p. 644, note 8. Cronius était l’ami de Numénius, d’après le témoignage de Porphyre (De l’Antre des Nymphes, § 21).
  6. Harpocration était disciple d’Atticus.
  7. Voy. Enn. I, liv. VIII, § 8.
  8. Voy. Porphyre, (De l’Antre des Nymphes, § 21).
  9. Voy. Aristote, De l’Âme, liv. III, 12 ; et Porphyre, De l’Abstinence des viandes, III, 7.
  10. Selon les Stoïciens, « Dieu pénètre toutes les parties du monde (comme notre âme pénètre toutes les parties de notre corps), mais à des degrés divers : car il pénètre certaines parties, les os et les nerfs, par exemple, en qualité d’habitude ; d’autres, le principe dirigeant, par exemple, en qualité d’intelligence (Diogène Laërce, VII, § 139)… L’esprit pénètre le monde entier et reçoit différents noms selon les différence ; de la matière qu’il a pénétrée (Stobée, Eclogœ physicœ, III, § 29, p. 66). »
  11. Voy. ci-dessus, p. 534.