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TROISIÈME ENNÉADE.


constitution au hasard] comment toutes choses arrivent-elles et comment tous les êtres ont-ils été faits ? C’est là une question qui mérite un examen approfondi. En effet, comme il y a des choses qui semblent mauvaises[1], elles donnent lieu d’élever des doutes sur la Providence universelle : il en résulte que quelques-uns disent qu’il n’y a pas de Providence, et d’autres, que le Démiurge est mauvais[2]. Aussi croyons-nous qu’il est bon de traiter complètement cette question en remontant aux principes.

Laissons de côté cette Providence particulière (πρόνοια ἐφ’ ἑϰάστῳ (pronoia éph’ ekastô)), qui consiste à délibérer avant d’agir, à examiner s’il faut faire une chose ou ne pas la faire, la donner ou ne pas la donner. Supposons admise l’existence de la Providence universelle (πρόνοια τοῦ παντός (pronoia tou pantos)), et de ce principe déduisons les conséquences.

Si nous pensions que le monde eût commencé d’être, qu’il n’eût pas existé de tout temps, nous reconnaîtrions une Providence particulière (πρόνοια ἐπὶ τοῖς ϰατὰ μέρος (pronoia epi tois kata meros)), comme nous le disions tout à l’heure, c’est-à-dire nous re-

  1. Dans ce livre Plotin s’est proposé pour but principal de réfuter les objections que l’existence du mal fait élever contre la Providence divine. Il traite donc le même sujet que Leibnitz dans sa célèbre Théodicée, et les doctrines des deux philosophes sont identiques sur plusieurs points fondamentaux, tels que le principe que le mal n’est qu’un défaut du bien, etc. Voy. ci-après les Éclaircissements sur ce livre, à la fin du volume.
  2. Lactance (De Ira Dei, XIII) rapporte qu’Épicure argumentait en ces termes contre la Providence divine : « Deus, inquit [Epicurus], aut vult tollere male et non potest, aut potest et non vult, aut neque vult neque potest, aut et vult et potest. Si vult et non potest, imbecillis est, quod in Deum non cadit ; si potest et non vult, invidus, quod æque alienum a Deo ; si neque vult neque potest, et invidus et imbecillis est, ideoque nec Deus ; si et vult et potest, quod solum Deo convenit, unde ergo sunt mala, aut cur illa non tollit ? » En outre, les Gnostiques disaient que le Démiurge est mauvais ainsi que le monde même. Voy. t. I, p. 254, note 1.