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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/100

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LIVRE TROISIÈME.


que le sujet et l’objet de la contemplation ne diffèrent pas l’un de l’autre ; alors, en vertu de cette similitude, en voyant une de ses parties à laquelle elle est identique, l’intelligence ne se verra-t-elle pas elle-même ? car, dans ce cas, le sujet ne diffère pas de l’objet. — D’abord, il est absurde de supposer l’intelligence divisée en plusieurs parties. Comment, en effet, opérera-t-on cette division ? Ce ne peut être au hasard. Qui l’opérera ? Sera-ce le sujet ou l’objet ? Ensuite, comment le sujet se connaîtra-t-il lui-même si, dans la contemplation, il se place dans l’objet, puisque la contemplation n’appartient pas à ce qui est l’objet ? Se connaîtra-t-il comme objet plutôt que comme sujet ? Alors, il ne se connaîtra pas complètement et dans sa totalité [comme sujet et comme objet] : car ce qu’il voit, c’est l’objet et non le sujet de la contemplation ; c’est un autre qu’il voit, et non lui-même. Il faudra donc que, pour avoir une connaissance complète de lui-même, il se voie en outre comme sujet ; or, s’il se voit comme sujet, il faudra qu’il voie en même temps les choses contemplées. Mais sont-ce les empreintes[1] des choses ou les choses elles-mêmes qui sont contenues dans l’acte de la contemplation ? Si ce sont les empreintes, on ne possède pas les choses elles-mêmes. Si on possède ces choses, ce n’est pas parce qu’on se partage [en sujet et en objet]. Avant de se partager ainsi, on voyait ces choses, on les avait. Par conséquent, la contemplation doit être identique à ce qui est contemplé, l’intelligence à l’intelligible ; sans cette identité, on ne possédera pas la vérité : car, au lieu de posséder les réalités, on n’aura d’elles qu’une empreinte, qui sera différente des réalités, qui, par conséquent, ne sera pas la vérité. La vérité doit donc ne pas différer de son objet ; elle doit être ce qu’elle énonce.

Donc, d’un côté, l’Intelligence, de l’autre l’Intelligible et l’Être ne font qu’une seule et même chose, savoir, l’Être

  1. τύποι (tupoi), expression des Stoïciens. Voy. Enn. III, liv. VI, § 1 ; t. II, p. 124.