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CINQUIÈME ENNÉADE.


bien de l’intelligence et de l’intelligible : car, en illuminant l’âme, l’intelligence lui donne une vie plus claire, une vie qui n’est pas la vie générative (parce que l’intelligence convertit l’âme vers elle, et, au lieu de la laisser se diviser, lui fait aimer l’éclat dont elle brille) ; une vie qui n’est pas non plus la vie sensitive (car les sens s’appliquent à ce qui est extérieur et n’en connaissent pas mieux cependant, tandis que celui qui voit cette lumière supérieure des vérités voit beaucoup mieux les choses qui sont visibles, mais d’une façon différente). Reste donc que l’intelligence donne à l’âme la vie intellectuelle, qui est un vestige de sa propre vie : car elle possède les réalités. C’est dans la vie et l’acte qui sont propres à l’intelligence que consiste ici la lumière première qui s’illumine elle-même primitivement, qui se reflète sur elle-même, parce qu’elle y est tout à la fois la chose illuminante et la chose illuminée ; elle est aussi le véritable intelligible, parce qu’elle est à la fois la chose pensante et la chose pensée. Elle se voit elle-même par elle-même, sans avoir besoin d’autrui ; elle se voit donc d’une manière absolue, parce qu’en elle ce qui connaît est identique à ce qui est connu. Il en est de même en nous : c’est par l’intelligence que nous connaissons l’intelligence. Sans cela, comment en parlerions-nous ? Comment dirions-nous qu’elle est capable de se saisir clairement elle-même, et que par elle nous nous saisissons nous-mêmes ? Comment pourrions-nous, par ces raisonnements, ramener à l’intelligence notre âme qui s’en reconnaît l’image, qui regarde sa vie comme une imitation fidèle de celle de l’intelligence, qui croit que, lorsqu’elle pense, elle prend une forme intellectuelle et divine ? Si l’on veut savoir quelle est cette Intelligence parfaite, universelle, première, qui se connaît elle-même essentiellement, il faut que l’âme soit ramenée à l’intelligence, ou du moins qu’elle lui rapporte l’acte par lequel elle conçoit les choses dont elle a la réminiscence. C’est en se plaçant dans cet état que