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CINQUIÈME ENNÉADE.


tandis que le feu réalise intérieurement l’acte qui constitue son essence et qui lui fait garder sa nature[1]. De même ici, et bien plus encore, le Premier demeure dans l’état qui lui est propre, et en même temps, de la perfection qui lui est inhérente, de l’acte qui se confond avec lui, a été engendré l’acte qui, tenant son existence d’une si grande puissance, que dis-je, de la Puissance suprême, est arrivé à l’existence et à l’essence. Quant au Premier, il est au-dessus de l’essence ; il est la Puissance de toutes choses.

Si l’acte que l’Un a engendré est toutes choses, l’Un est au-dessus de toutes choses, par conséquent, au-dessus de l’essence. Puisque l’acte engendré par l’Un est toutes choses et que l’Un est au-dessus de toutes choses, qu’il n’occupe pas le même rang que le reste, il doit encore sous ce rapport être supérieur à l’essence, et par suite, à l’In-

  1. Voy. ci-dessus, liv. I, § 6, p. 13-14. On trouve les mêmes idées exprimées dans les mêmes termes par Ibn-Gébirol : « Puisque les substances inférieures émanent des substances supérieures comme la force émane de la chose forte, et non pas comme une essence qui émanerait d’une autre essence, il s’ensuit que les substances supérieures ne diminueront pas en faisant naître les substances inférieures. Il s’en suit aussi que ces forces, je veux dire les substances inférieures, ne sont pas séparées des essences des substances supérieures, quoique les unes émanent des autres ; de même que la chaleur du feu ne diminue pas et ne s’en sépare pas, quoique ce dernier fasse naître une chaleur dans l’air qui est près de lui. C’est que cette dernière chaleur n’est pas la chaleur du feu elle-même : car le feu pourrait être enlevé et la chaleur resterait néanmoins dans l’air ; les deux sujets sont différents, et la chaleur qui naît dans l’air diffère en force de celle du feu. De même, la lumière du soleil qui se répand sur la terre ne diminue pas la lumière portée par le soleil lui-même, quoiqu’elle en émane, et la lumière qui se répand sur la terre n’est pas cette même lumière qui est portée par le soleil lui-même ; la preuve en est que les deux sujets [le feu et l’air] et les deux lumières diffèrent par leur force et leur faiblesse. » (La Source de la Vie, liv. III, trad. de M. S. Munk, Mélanges de philosophie juive et arabe, p. 41.)