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LIVRE SIXIÈME.


de son existence. Elle n’occupe que le second rang. Elle n’a existé que quand le Bien existait déjà, et, dès qu’elle a existé, elle s’est tournée vers lui. En se tournant vers lui, elle l’a connu : car penser, c’est se tourner vers le Bien et y aspirer. L’aspiration au Bien a donc engendré la pensée, qui s’identifie avec elle : car la vision présuppose le désir de voir. Le Bien ne peut donc penser : car il n’a pas d’autre Bien que lui-même[1]. » D’ailleurs, quand une chose autre que le Bien pense le Bien, elle le pense parce qu’elle en prend la forme, qu’elle lui ressemble ; elle pense parce qu’elle devient pour elle-même bonne et désirable, et qu’elle a une image du Bien. Si cette chose est toujours dans la même disposition, elle aura toujours cette image du Bien. En se pensant elle-même, l’Intelligence pense en même temps le Bien : car elle se pense comme étant en acte, et tout acte a le Bien pour but.

VI. Si les raisons que nous donnons sont justes, il n’y a pas dans le Bien de place pour la pensée. Ce qui pense doit avoir son bien hors de soi. Le Bien est donc inactif (ἀνενέργητον (anenergêton)). Comment l’Acte aurait-il besoin d’agir ? On ne peut sans pléonasme dire que l’Acte agit. Si l’on attribue quelque chose aux actes qui se rapportent à un principe

  1. Le P. Thomassin cite ce passage et le commente en ces termes : « Vix potest sustineri assensus, quin Plotino concedatur ordine et origine prius esse bonum, quam intelligentiam boni appetentem et contemplatricem. Intelligentiæ enim finis et beatitas est bonum, non ex adverso boni intelligentia. Boni enim idea sola jam totam occupat et complectitur beatitatem. At nec ipse dissentiet Plotinus hanc intelligentiæ ideam, qua indagatrix quædam et aucupatrix boni vis intelligentia capitur, naturis inferioribus accommodatam esse, suam extra se et supra se beatitudinem venari naturaliter instructis et comparatis. Porro naturarum inferiorum perfectionibas, ceu quibusdam summi Principii vestigiis, innitendum esse, ut alias his utcunque alludentes, sed longe perfectissimas et ab omni imperfectionum suspicione defecatissimus deprehendamus in Deo. » (Dogmata theologica, t. I, p. 74.)