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LIVRE PREMIER.


trouve en eux. Trois bœufs en effet appartiennent déjà à deux catégories. Il en est de même de la ligne et de la surface qui ont telle quantité. Mais, si la quantité de la surface est la quantité même, pourquoi la surface est-elle elle-même une quantité ? C’est sans doute quand elle est déterminée par trois ou quatre lignes que la surface est appelée une quantité.

Dirons-nous donc que les nombres seuls sont la quantité ? Attribuerons-nous alors ce privilége aux nombres en soi, lesquels sont des substances puisqu’ils existent en eux-mêmes[1] ? Accorderons-nous le même privilége aux nombres existant dans les choses par lesquelles ils sont participés, et servant à nombrer, non des unités, mais dix bœufs, par exemple, ou dix chevaux ? D’abord, il semblera absurde que ces nombres ne soient pas des substances, si les premiers en sont. Ensuite, il semblera également absurde qu’ils existent dans les choses qu’ils mesurent sans exister hors d’eux[2], comme les règles et les instruments qui servent à mesurer existent hors des objets qu’ils mesurent. D’un autre côté, si ces nombres existant en eux-mêmes servent à mesurer, et cependant n’existent pas dans les objets qu’ils mesurent, il en résultera que ces objets ne seront pas des quantités puisqu’ils ne participeront pas à la quantité même.

Quant à ces nombres, pourquoi seront-ils des quantités ? C’est sans doute parce qu’ils sont des mesures. Mais ces mesures sont-elles des quantités ou la quantité même ? Étant dans l’ordre des êtres, lors même qu’ils ne s’appli-

  1. Plotin combat ici la réfutation qu’Aristote a faite de la théorie des nombres considérés comme des substances indépendantes, dans sa Métaphysique, XIII, 6.
  2. « Les sciences mathématiques ne traitent pas des êtres sensibles ; elles n’ont pas néanmoins pour objets d’autres êtres séparés. Mais il y a une foule d’accidents qui sont essentiels aux choses en tant que chacun d’eux réside essentiellement en elles, etc. » (Aristote, La Métaphysique, XIII, 3.)