Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
211
LIVRE DEUXIÈME.


sa couleur, et, après avoir retrouvé dans les autres corps ces mêmes éléments, nous dirions que la nature corporelle a pour éléments la substance, la quantité, la qualité, mais que ces trois choses coexistent, et que, bien que la pensée les sépare, toutes les trois ne font qu’un seul et même corps. Et si nous reconnaissions en outre que le mouvement est propre à cette même substance, ne l’ajouterions-nous pas aux trois éléments déjà reconnus ? Ces quatre éléments ne feraient encore qu’un, et le corps, bien qu’un, serait constitué, dans son essence et dans son unité, par la réunion de tous les quatre[1]. Il faut procéder de la même manière à l’égard du sujet dont nous traitons ici, c’est-à-dire de la substance intelligible, de ses genres et de ses principes. Seulement il faut, dans cette comparaison, faire abstraction de ce qui est propre aux corps et qu’on nomme génération, des perceptions des sens, enfin de l’étendue. Après avoir établi cette séparation et avoir ainsi distingué des choses essentiellement différentes, nous arriverons à concevoir la substance intelligible, qui possède l’être, l’existence véritable, et l’unité à un plus haut degré encore. À cette vue, on s’étonne que la substance qui est ainsi une puisse être à la fois une et multiple. À l’égard des corps, on s’accorde à reconnaître que la même chose est une et multiple : le corps peut en effet se diviser à l’infini ; la couleur, la figure, par exemple, sont en lui des propriétés bien différentes l’une de l’autre, puisqu’ici-bas elles sont séparées. Mais à l’égard de l’âme, si on la conçoit comme une, sans étendue, sans grandeur, absolument simple, ainsi que cela apparaît à la première vue, comment croire que l’âme elle-même puisse après cela se trouver multiple ? On devait d’autant plus penser arriver ici à l’unité, qu’après avoir divisé l’animal en corps et en âme et avoir démontré que le corps est multiforme, composé, divers,

  1. Voy. ci-après liv. III, § 3.