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LIVRE DEUXIÈME.


action, si on examine en elle la partie qui ne travaille pas à former les corps[1] ? N’y trouvera-t-on pas encore pluralité de puissances ? Quant à l’être, il n’est personne qui le refuse à l’âme. Mais l’être qu’on lui accorde est-il celui qu’on accorde à une pierre ? Non sans doute. D’ailleurs, même dans l’être de la pierre, être et être pierre sont choses inséparables ; ainsi, être et être âme ne sont qu’une seule et même chose dans l’âme. Faut-il donc en elle regarder comme différents d’un côté l’être et de l’autre ce qui constitue l’essence, en sorte que ce soit la différence [propre à l’essence] qui en s’ajoutant à l’être fasse l’âme ? Non : l’âme est sans doute un être déterminé, non comme homme blanc, mais seulement comme essence particulière (ὥς τις οὐσία (hôs tis ousia)) : en d’autres termes, ce qu’elle a, elle l’a par son essence même[2].

VI. Mais ne peut-on pas dire que l’âme n’a point par son essence tout ce qu’elle a, en ce sens qu’on doit distinguer en elle d’un côté l’être et de l’autre telle manière d’être ? — Si l’âme a telle manière d’être, et que cette manière d’être lui vienne du dehors, le tout ne sera plus en effet l’essence de l’âme en tant qu’âme ; il ne sera l’essence de l’âme que partiellement et non en totalité. Ensuite, que sera l’être de l’âme sans les autres choses qui constituent son essence ? L’être sera-t-il pour l’âme le même que pour la pierre ? Ne faut-il pas plutôt admettre que cet être de l’âme tient à son essence même, qu’il en est comme la source et le principe, ou plutôt qu’il est tout ce qu’est l’âme, et par conséquent vie, enfin que dans l’âme l’être et la vie ne font qu’un ?

Dirons-nous que cette unité ressemble à celle d’une

  1. Sur la distinction des deux parties de l’Âme universelle, savoir, la Puissance principale de l’Âme qui reçoit de l’Intelligence les formes, la Puissance naturelle de l’Âme qui les transmet à la matière en la façonnant par les raisons séminales, Voy. Enn. II, liv. III, § 17-18 ; t. II, p. 191-193.
  2. Voy. sur cette question Enn. I, liv. I, § 2 ; t. I, p. 36-37.