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SIXIÈME ENNÉADE.


comme partie, la substance est relative à une chose autre qu’elle ; mais considérée en elle-même, dans sa nature, dans ce qu’elle est, elle ne s’affirme de rien[1].

Être sujet (ὑποϰείμενον (hupokeimenon)) est donc une propriété commune à la matière, à la forme et au composé. Mais cette fonction de sujet est remplie différemment par la matière à l’égard de la forme, par la forme à l’égard des modifications, et par le composé ; ou plutôt, la matière n’est pas sujet à l’égard de la forme : celle-ci est le complément qui l’achève quand elle n’est encore que matière et qu’elle n’existe qu’en puissance[2]. La forme, à proprement parler, n’est pas dans la matière : car lorsqu’une chose ne fait qu’un avec une autre, on ne peut dire que l’une est dans l’autre [comme un accident dans son sujet]. C’est prises toutes deux ensemble que la matière et la forme sont un sujet pour les autres choses[3] : ainsi l’homme en général et tel homme en particulier constituent le sujet des modifications passives ; ils sont antérieurs aux actions et aux conséquences qui se rattachent à eux. La substance est donc le principe d’où sortent et par lequel existent les autres choses, celui au-

  1. « Du reste ne craignons pas, parce que les parties des substances [la main, le pied, dans le corps de l’homme] sont dans leurs entiers comme dans des sujets, d’être obligés de repousser ces entiers du nombre des substances : car, en disant que telles choses étaient dans un sujet, nous n’avons pas prétendu dire qu’elles y fussent comme les parties dans un tout. » (Aristote, Catégories, II, chap. v ; trad. de M. Barthélemy Saint-Hilaire, p. 66.)
  2. Voy. Enn. II, liv. V, § 4 ; t. I, p. 231.
  3. « L’essence est la forme intrinsèque qui, par son concours avec la matière, constitue ce qu’on nomme la substance réalisée. Prenons pour exemple le retroussé : c’est son union avec le nez qui constitue le nez camus et le camus, car la notion du nez est commune à l’une et à l’autre de ces deux expressions ; mais dans la substance réalisée, dans nez camus, Callias, il y a à la fois essence et matière. » (Aristote, Métaphysique, liv. VII. chap. 11 ; trad. fr., t. II, p. 44.)