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SIXIÈME ENNÉADE.

elle-même, qu’elle n’appartient ni à la matière ni au corps, qu’elle illumine tout entière le corps du monde tout entier. Il ne faut pas s’étonner que l’Être qui n’est présent en aucun lieu soit présent à toutes les choses qui sont chacune dans un lieu[1]. Ce qui serait au contraire étonnant et même impossible, ce serait que l’Être universel pût, en occupant un lieu déterminé, être présent aux choses qui sont dans un lieu, qu’il pût en aucune façon être présent dans le sens où nous l’avons expliqué. La raison nous force donc d’admettre que l’Être universel doit, précisément parce qu’il n’occupe aucun lieu, être présent tout entier aux choses auxquelles il est présent, et, puisqu’il est présent à l’univers, être présent tout entier à chaque chose : sinon, il aurait une partie ici, et une partie là[2] ; par conséquent il serait divisible, il serait corps. Comment d’ailleurs diviser l’Être ? Est-ce la vie que l’on divisera en lui ? Si c’est la totalité de l’Être qui est la vie, la partie ne saurait être vie. Ira-t-on aussi diviser

  1. Ce passage est cité par le P. Thomassin, qui le fait précéder de ce commentaire : « Visum est, etsi Deus ubique sit et ipsum ubique sit, proprie tamen nusquam esse ; imo vero ubique esse, quia nusquam est. Quod enim in uno aliquo loco est, sic illi affigitur, ut vagari extra non possit ; ergo quod ubique locorum esse debet nusquam locorum proprie esse debet. Item Deus ubique locorum est, quia ab omnibus extensis participatur ; at id quod ab omnibus extensis participatur extensum non est ; sicut quod a corporibus participatur corpus non est, sed anima ; quodab animabus, anima non est, sed mens ; quod a mentibus, mens non est, sed unum. Ergo Deus, quem videlicet ut Animam mundi extensa omnia participant, extensus non est, ideoque nusquam est. Denique sic Deus ut causa ab omnibus participatur ut imparticipabilis tamen permaneat ; sic enim opificem sequuntur opera ut non assequantur ; sic imitantur, ut longissime deficient, et id quod proprium Dei est ne attingant quidem. Ergo si Deus, ut causa omnium utcunque participata, ubique est ; ut causa imparticipabilis, nusquam est. » (Dogmata theologica, t. I, p. 347.)
  2. Voy. Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § xxxvi ; dans notre tome I, p. lxxvi.