Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
343
LIVRE CINQUIÈME.

la question soulevée ici n’est pas une, mais divisée, et qu’elle consulte dans ses recherches la nature des corps, en lui empruntant des principes, elle divise aussi l’Essence intelligible, parce qu’elle la croit semblable aux corps, et elle arrive ainsi à douter de son unité : il n’en saurait être autrement, puisqu’elle ne débute pas dans son investigation par les principes convenables. Nous devons donc, dans notre discussion sur l’Être un et universel, prendre des principes capables d’obtenir la foi, des principes qui soient intellectuels, c’est-à-dire qui se rattachent aux intelligibles et à l’Essence véritable. En effet, l’être sensible est agité par un mouvement continuel, soumis à des changements de toute sorte, divisé entre toutes les parties de l’espace : aussi s’appelle-t-il génération et non essence. L’Être éternel, au contraire, n’est pas divisé[1] ; il subsiste toujours de la même manière et dans le même état, ne naît ni ne périt, n’occupe ni place ni espace, ne réside pas en un lieu déterminé, n’entre ni ne sort, mais demeure en lui-même. Quand on discute sur la nature des corps, on peut, en partant de cette nature et des choses qui lui conviennent, en tirer des démonstrations probables à l’aide de syllogismes également probables. Mais, quand il s’agit des intelligibles, il faut prendre pour point de départ la nature de l’essence dont on traite, y puiser légitimement ses principes, puis, sans l’abandonner par mégarde pour une autre nature, emprunter à l’essence intelligible même la conception qu’on s’en forme : car partout on prend pour principe l’essence (ou la quiddité, τὸ τὶ ἐστι (to ti esti)), et l’on dit que la définition d’un objet, quand elle est bien faite, en fait connaître beaucoup d’accidents[2]. Donc, quand il s’agit

  1. Nous lisons avec Taylor et Kirchhoff : τὸ δὲ ὂν ἀεὶ, [οὐ] διειλημμένον (to de on aei, [ou] dieilêmmenon). Il y a évidemment ici une opposition à la phrase précédente où il est dit que l’être sensible est divisé entre toutes les parties de l’espace.
  2. « En toutes choses, pour délibérer avec fruit, il faut commencer