Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/407

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
346
SIXIÈME ENNÉADE.

absent là, mais qui est partout. Tous ceux qui ont une idée des dieux admettent qu’ils sont présents partout aussi bien que ce Dieu suprême. La raison force de le reconnaître. Or, puisque Dieu est partout, il n’est pas divisé ; sinon, il ne serait pas présent partout, il aurait ses parties, l’une ici, l’autre là. Il ne serait plus un : il ressemblerait à une étendue divisée en une foule de parties ; il s’anéantirait dans cette division, et toutes ses parties ne formeraient plus le tout ; enfin, il serait corps. Si cela est impossible, il faut admettre ce qu’on refusait de croire, ce dont témoigne toute nature humaine, savoir que Dieu est partout à la fois présent tout entier et identique. Si nous reconnaissons une pareille nature pour infinie, puisqu’elle n’a pas de bornes, n’avouerons-nous pas que rien ne lui manque ? Si rien ne lui manque, c’est qu’elle est présente à chaque être[1] ; si elle ne pouvait l’être, il y aurait des endroits où elle ne serait pas, il lui manquerait quelque chose. Les êtres qui existent au-dessous de l’Un existent en même temps que lui, sont auprès de lui, se rapportent à lui, se rattachent à lui comme ses créatures, en sorte que participer à ce qui est après lui, c’est participer à lui-même. Comme il y a dans le monde intelligible une multitude d’êtres, qui y occupent le premier, le second ou le troisième rang[2], comme ils y sont suspendus au centre unique d’une seule sphère, et qu’ils s’y trouvent tous ensemble sans qu’aucune distance les sépare, il en résulte que les êtres qui occupent le premier rang ou le second sont présents là même où se trouvent les êtres qui occupent le troisième rang.

V. Pour éclaircir ce point, on se sert souvent de la comparaison suivante : figurez-vous, dit-on, une multitude de rayons qui partent d’un centre unique, et vous arrive-

  1. Ficin ajoute nusquam dans sa traduction. Cette addition ne nous paraît pas nécessaire pour le sens.
  2. Voy. ci-dessus, p. 18, note 1.