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LIVRE CINQUIÈME.

donne de l’accroissement à l’âme, entendant par là sans doute que l’Âme ne manque à aucune chose, qu’elle est partout sans cesser d’être elle-même. Si le monde était encore plus grand, la puissance de l’Âme ne s’en étendrait pas moins à toutes choses, ou plutôt le monde serait encore dans l’Âme universelle. Quant à l’expression donner de l’accroissement à l’âme, il ne faut pas la prendre au propre, mais entendre par là que l’Âme, malgré son unité, n’est nulle part absente : car l’unité de l’Âme n’est pas une unité qu’on puisse mesurer ; c’est là le propre d’une autre essence qui revendique à tort pour elle l’unité, et qui n’arrive à paraître une que par sa participation à l’unité. L’Être qui est véritablement un n’est pas une unité composée de plusieurs choses : car le retranchement de l’une d’elles ferait périr l’unité totale ; il n’est pas non plus séparé des autres choses par des limites : car si les autres choses étaient rapprochées de lui, il deviendrait plus petit dans le cas où celles-ci seraient plus grandes ; ou bien il se fragmenterait en voulant se répandre dans toutes, et, au lieu d’être présent tout entier à toutes, il serait réduit à toucher leurs parties par ses propres parties. Ainsi, il ignorerait complètement où il serait placé, se trouvant incapable de constituer un tout continu, puisqu’il serait fragmenté. Si donc cet Être peut à juste titre être appelé un, si l’unité peut être affirmée de son essence, il faut qu’il paraisse contenir d’une certaine manière par sa puissance la nature opposée à la sienne, c’est-à-dire la multitude, qu’il ne tire pas cette multitude du dehors, mais qu’il la possède de lui-même et par lui-même, qu’il soit véritablement un, et que par son unité il soit infini et multiple. Étant tel, il paraît être partout une raison [une essence] qui est unique et qui se contient elle-même ; il est lui-même celui qui contient[1], et

  1. Kirchhoff retranche ce membre de phrase. Nous n’en voyons pas la raison.