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LIVRE CINQUIÈME.

toujours près du beau, agité du désir de le posséder et s’estimant heureux d’avoir part à ses dons. En effet, l’amant de la céleste beauté ne reçoit pas la beauté même, mais, comme il se trouve près d’elle, il a part à ses faveurs, tandis qu’elle demeure immuable en elle-même. Il y a ainsi beaucoup d’êtres qui aiment une seule et même chose, qui l’aiment tout entière, et qui, lorsqu’ils la possèdent, la possèdent tout entière dans la mesure où ils en sont capables : car c’est tout entière qu’ils souhaitent la posséder[1]. Pourquoi donc cet Être ne suffirait-il pas seul à tous en demeurant en soi ? Il suffit précisément parce qu’il demeure en soi : il est beau, parce qu’il est tout entier présent à tous.

La Raison (τὸ φρονεῖν (to phronein)) est aussi tout entière pour tous ; elle est commune à tous, parce qu’elle n’est pas différente en différents lieux : il serait en effet ridicule qu’elle eût besoin d’être dans un lieu. La Raison d’ailleurs ne ressemble pas à la blancheur[2] : car [la blancheur est la qualité d’un corps, tandis que] la Raison n’appartient en rien au corps. Si nous participons réellement à la Raison, nous aspirons nécessairement à une chose une et identique, qui existe en elle-même tout entière à la fois[3]. Quand nous participons à cette Raison, nous ne

  1. Le P. Thomassin cite ce passage en ces termes ; « Fundamentum aliud immensitatis est Pulchritudo, ad quam omnia suspirant, et nativo ideoque non irrita amore rapiuntur. Illa vero ad se prolectat omnia, et utcunque irradiat, omnibus præsens ut deleclet, et in se refuga tamen ac secreta, ut amplius prolectet… Sic Plotinus omnipræsentiam depingit non tam Dei ad res, quam rerum ad Deum ; et præsentiam quidem non tam localem quam amatoriam ; ut omnia non suo quasi situ Deo adjaceant, sed amoris vinculo et amplexu quasi summo pulchro inhæreant. » (Dogmata theologica, t. I, p. 246.)
  2. Voy. ci-dessus, § 1, p. 315.
  3. Voy. Enn. IV, liv. IV, § 5 ; t. II, p. 337. Le P. Thomassin cite ce passage en ces termes : « Fundamentum aliud immensitatis Dei est Veritas. Deus enim veritas est qua vera sunt quæcunque sunt omnia ; ergo in omnibus plane entibus est : omnia enim, quatenus