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LIVRE CINQUIÈME.

s’étend pas jusqu’à certaines limites, au delà desquelles elle ne puisse plus se répandre ; elle est partout. — Mais, dira-t-on, comment est-elle partout ? — Qu’on se le rappelle : la puissance de la Vie n’est pas une quantité déterminée ; si, par la pensée, on la partage à l’infini, néanmoins elle se montre toujours avec son caractère fondamental d’infinité. Cette Vie ne contient point de matière[1] ; par conséquent, elle ne peut se fragmenter comme une masse et finir par se réduire à rien. Lors donc que vous avez conçu la puissance inépuisable et infinie de l’Être intelligible, sa nature incessante, infatigable, qui se suffit complètement à elle-même, au point que sa vie déborde pour ainsi dire, quel que soit le lieu sur lequel vous portiez votre regard ou arrêtiez votre attention, où trouverez-vous que l’Être intelligible ne soit pas présent[2] ? Tout au contraire, vous ne pouvez ni dépasser sa grandeur ni arriver à quelque chose d’infiniment petit, comme si l’Être intelligible n’avait plus rien à donner au delà et qu’il s’épuisât peu à peu.

Quand vous aurez donc embrassé l’Être universel et que vous reposerez dans son sein, ne cherchez rien au delà. Sinon, vous vous éloignerez de lui, et, attachant vos regards sur un objet étranger, vous ne verrez pas ce qui vous est présent. Si au contraire vous ne cherchez rien au delà, vous serez ainsi semblable à l’Être universel. Comment ? C’est que vous serez uni à lui tout entier, que vous ne vous serez pas arrêté à une de ses parties, que vous ne vous direz même pas : Voilà ce que je suis. En oubliant l’être particulier que vous êtes, vous deviendrez l’Être universel. Vous étiez bien déjà l’Être universel, mais vous étiez quelque chose en outre ; vous étiez par cela même inférieur,

  1. Le texte de cette phrase est défectueux. Nous en donnons le sens probable en suivant Ficin.
  2. Cette phrase et celles qui suivent sont commentées par Porphyre, Principes de la théorie des intelligibles, § xliv, dans notre tome I, p. lxxxiv.