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SIXIÈME ENNÉADE.

rapporte ainsi à la diversité des choses la conception du nombre ; il semble donc enseigner que ce sont d’abord les objets nombres qui produisent le nombre par leur diversité, que le nombre résulte du mouvement de l’âme qui passe d’un objet à un autre et qu’il est ainsi engendré quand l’âme nombre, c’est-à-dire quand, parcourant les objets, elle se dit en elle-même : Voici un objet, en voici un autre ; tandis que, tant qu’elle pense à un seul et même objet, elle n’affirme que l’unité. Mais quand Platon dit que l’Essence est dans le Nombre véritable et que le Nombre est dans l’Essence[1], il veut enseigner que le Nombre a par lui-même une existence substantielle, qu’il n’est pas engendré dans l’âme qui nombre, mais que la variété des objets sensibles rappelle seulement à l’âme la notion du nombre.

V. Quelle est donc la nature du Nombre ? Est-il une conséquence et en quelque sorte un aspect de chaque essence, comme homme et un homme, être et un être[2] ? Peut-on

    deuxième cercle au-dessus de la terre cette lumière que nous nommons maintenant le soleil, afin qu’elle brillât du plus vif éclat dans toute l’immensité des cieux, et qu’elle fît participer à la connaissance du nombre, reçue de la révolution de ce qui est toujours le même et semblable à soi-même, tous les êtres vivants auxquels convient cette connaissance. C’est donc ainsi et pour ces raisons que naquirent le jour et la nuit, qui sont la révolution du mouvement circulaire unique et le plus sage. » Platon, Timée, p. 39 ; trad. de M. H. Martin, t. I, p. 107.) Voy. encore sur ce point Enn. III, liv. VII, § 11, t. II, p. 202.

  1. « P. S’il en est ainsi, ne crois-tu pas qu’il n’y a pas un nombre qui ne doive être nécessairement ? A. Fort bien. P. Donc, si l’un est, il faut nécessairement que le nombre soit aussi. A. Nécessairement. P. Et si le nombre est, il y a aussi de la pluralité et un nombre infini d’êtres. Ou n’est-il pas vrai qu’il y aura un nombre infini et qui en même temps participe de l’être ? A. Si, cela est vrai. » (Platon, Parménide, p. 144, éd. d’H. Etienne ; trad. de M. Cousin, t. XII, p. 41.)
  2. C’est l’opinion d’Aristote, dont Plotin reproduit ici les exemples. Voy. le passage de la Métaphysique que nous avons cité ci-dessus p. 220, note 1.