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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/45

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xxxvi
SOMMAIRES.


qu’on nomme partout, il n’existe qu’en lui-même. Trompés par une illusion grossière, nous disons partout en parlant du monde sensible, et nous le croyons grand ; mais il est réellement petit. Aussi a-t-il besoin de la présence de l’Être premier, qui n’est jamais ni près ni loin de lui, puisqu’il n’est pas contenu dans un lieu déterminé, qu’il est toujours présent aux choses qui peuvent le recevoir. L’Être premier se répand en effet partout par ses puissances, il les communique à chaque chose dans la mesure où chaque chose peut y participer. Il est ainsi partout présent, tout en demeurant séparé : car il ne serait plus le principe universel partout présent tout entier, s’il devenait l’essence d’un être particulier et s’il était circonscrit dans un lieu déterminé. Il serait alors divisible. Mais on ne saurait diviser la vie, l’essence, l’intelligence, parce qu’elles ne sont pas une quantité comme le corps.

(IV-V) L’Être premier est un et identique partout, mais son unité n’empêche pas la pluralité des êtres. L’Être premier engendre cette pluralité sans sortir de lui-même ni rien perdre de son universalité. De même, l’Âme universelle est une, malgré la pluralité des âmes, et chaque âme est une, indivisible, présente dans tout le corps, malgré la pluralité des organes. Cette pluralité des âmes ne résulte pas de la divisibilité propre aux corps. Avant qu’il y eût des corps, il y avait déjà l’Âme universelle et les âmes particulières. D’un côté, les âmes particulières existent en acte dans l’Âme universelle, et elles sont distinctes les unes des autres, non par la place qu’elles occupent, mais par leur différence essentielle. D’un autre côté, elles sont toutes contenues dans l’Âme universelle, parce qu’elle est infinie. Or l’Âme universelle est plus grande que le monde sensible sous le rapport de la puissance, mais non sous celui de la quantité : car elle n’est pas une grandeur.

(VI) L’Âme universelle vivifie, concurremment avec les âmes particulières, les corps qui sont dans le monde sensible. Dans chacun d’eux l’Âme universelle et l’âme particulière diffèrent par leurs actes intellectuels.

(VII-VIII) L’Âme universelle, tout en contenant et en vivifiant la pluralité des âmes, reste une, identique, indivisible, comme l’est la force motrice de la main, si on la considère indépendamment de l’organe sur lequel elle exerce son action, ou bien encore comme l’est la lumière considérée indépendamment des corps qu’elle éclaire. Mais la lumière, étant relative aux corps, a une origine locale qu’il est facile d’indiquer. Il n’en est pas de même de l’Âme universelle : étant immatérielle, elle n’occupe pas de place déterminée ; antérieure au corps, elle n’appartient ni à l’un d’eux, ni à eux tous, soit comme mode, soit comme forme ; par conséquent, elle est indivisible puisqu’elle n’a pas d’étendue. Pour comprendre la présence de l’unité dans la pluralité, il faut bien concevoir que l’unité subsiste tout entière et en elle-même et dans chacune des choses où on l’aperçoit.

(IX-X) Il a été dit ci-dessus que l’Être universel est partout présent par ses puissances. Or la puissance étant inséparable de l’essence, les âmes qui forment les parties de l’Âme universelle sont à la fois des puissances et des essences conformes entre elles, mais inférieures au principe dont elles procèdent. Comme elles ne sauraient subsister si elles se trouvaient séparées de lui, il en résulte qu’à ce point de vue encore, l’Âme universelle est partout