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SIXIÈME ENNÉADE.

l’unité a été détruite par la division. Or cette même chose qui tantôt est présente et tantôt disparaît, nous devons la mettre au nombre des êtres partout où elle se trouve, et reconnaître que, bien qu’elle puisse être un accident des autres objets, elle existe néanmoins par elle-même, soit qu’elle se manifeste dans les êtres sensibles, soit qu’elle se trouve dans les êtres intelligibles : elle n’est qu’un accident dans les êtres postérieurs [les êtres sensibles], mais elle existe en soi dans les êtres intelligibles, surtout dans l’Être premier, puisqu’il est d’abord un, puis être.

Si l’on dit que, sans rien éprouver lui-même, l’un, par la simple addition d’une autre chose, n’est plus un, mais devient deux, on tombe dans l’erreur[1] : car l’un n’est pas devenu deux, pas plus que ce qui lui a été ajouté ou ce à quoi il a été ajouté ; chacun d’eux demeure un, tel qu’il était, mais deux est affirmé de leur ensemble, et un de chacun d’eux pris séparément. Deux n’est donc point par sa nature une relation, non plus que la dyade[2]. Si la dyade consistait dans la réunion [de deux objets], et qu’être réunis fût identique à faire deux, en ce cas la réunion constituerait deux, ainsi que la dyade. Or la dyade nous apparaît également dans un état contraire [à celui de la réunion de deux objets] : car deux peut être produit par la division d’un seul objet. Deux n’est donc ni réunion ni division, comme il le

  1. Plotin essaie de réfuter ici la polémique d’Aristote contre la doctrine des nombres : « Que les unités ne diffèrent pas ou qu’elles diffèrent toutes entre elles, il faut nécessairement que les nombres se forment par addition ; ainsi le nombre deux résultera de l’unité jointe à une autre unité ; le nombre trois, du nombre deux accru d’une autre Unité, et de même pour le nombre quatre. D’après cela, il est impossible que les nombres soient produits, comme on le dit, par la dyade et l’unité. La dyade, en effet, est une partie du nombre trois, celui-ci du nombre quatre, et de même pour les nombres suivants, etc. » (Métaphysique, liv. XIII, chap. 7 ; trad. fr., t. II, p. 267.)
  2. « Comment se fait-il que la dyade soit une nature particulière en dehors des deux unités, la