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SIXIÈME ENNÉADE.

la quantité discrète ne serait point quantité ; et cela d’autant moins que la quantité continue est mesurée par la quantité discrète. Ainsi, de même qu’un objet est grand par la présence de la grandeur, de même il est un par celle de l’un, il est deux par celle de la dyade, [dix par celle de la décade][1], etc.

Si l’on demande comment s’opère la participation des choses à l’un et aux nombres, nous répondrons que cette question se rattache à la question générale de la participation des choses aux formes intelligibles. Du reste, il faut admettre que la décade se présente sous des aspects divers selon qu’on la considère comme existant soit dans les quantités discrètes, soit dans les quantités continues, soit dans tant de grandes forces ramenées à l’unité, soit enfin dans les intelligibles auxquels on s’élève ensuite. C’est en eux en effet qu’on trouve les nombres véritables[2] (ἀληθέστατοι (alêsthetatoi)

  1. S’il n’est pas possible que rien de ce qui est universel soit substance, comme nous l’avons dit en traitant de la substance et de l’être ; si l’universel n’a même pas une existence substantielle, une et déterminée, en dehors de la multiplicité des choses (car l’universel est commun à tous les êtres) ; si enfin il n’est qu’un attribut, évidemment l’unité, elle non, plus, n’est pas une substance : car l’être et l’unité sont, par excellence, l’attribut universel. Ainsi donc, d’un côté les universaux ne sont pas des natures et des substances indépendantes des êtres particuliers ; et de l’autre, l’unité, pas plus que l’être, et par les mêmes raisons, ne peut être ni un genre, ni la substance universelle des choses, D’ailleurs, l’unité doit se dire également de tous les êtres… Dans les modifications, dans les qualités, dans le mouvement, il y a toujours un nombre et une unité ; le nombre est un nombre de choses particulières, et l’unité est un objet particulier, mais n’est pas elle-même la substance de cet objet. Les essences sont nécessairement dans le même cas : car cette observation s’applique également à tous les êtres. On voit alors que l’unité est dans chaque genre une nature particulière, et que l’unité n’est elle-même la nature de quoi que ce soit. » (Aristote, Métaphysique, liv. X, chap. 2 ; trad. fr., t. II, p. 126.)
  2. Voy. le passage du Parménide de Platon cité ci-dessus, p. 370, note 1.