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LIVRE SIXIÈME.

d’elle-même et la puissance de vivre avec plus de force, en sorte que, grâce à une vie plus énergique, celui-ci a une vision plus claire et il devient ce qu’il voit. Ici-bas, notre regard se porte souvent sur des choses inanimées, et lors même qu’il se tourne vers des êtres vivants, il remarque d’abord en eux ce qui est privé de vie ; d’ailleurs, la vie qui se trouve cachée en eux est déjà mélangée à autre chose. Là-haut, au contraire, tous les êtres sont vivants, entièrement vivants, et leur vie est pure : si, au premier aspect, vous regardez une chose comme dépourvue de vie, bientôt la vie qui est en elle éclate à vos yeux.

Contemplez donc l’Essence qui pénètre les intelligibles et qui leur communique une vie immuable ; contemplez la sagesse et la science qui résident en eux, et vous ne pourrez plus regarder sans rire cette nature inférieure à laquelle le vulgaire donne le nom d’essence. C’est dans cette Essence suprême que demeurent la Vie et l’Intelligence, que les êtres subsistent dans l’éternité. Là, rien ne sort de l’Être, rien ne le change ou ne l’agite : car il n’y a en dehors de lui aucune chose qui puisse l’atteindre : s’il existait une chose hors de lui, l’Être serait au-dessous d’elle ; s’il existait une chose qui lui fût contraire, cette chose échapperait à son action ; elle ne devrait point son existence à l’Être, mais elle constituerait un principe commun antérieur à lui, elle serait l’Être même. Parménide a donc eu raison de dire que l’Être est un, qu’il est immuable, non parce qu’il n’y a pas autre chose [qui puisse le modifier], mais parce qu’il est être[1]. Seul en effet l’Être possède l’existence par lui-même. Comment donc pourrait-on enlever à l’Être l’existence ou une des autres choses

  1. « Or la pensée est identique à son objet. En effet, sans l’être, sur lequel elle repose, vous ne trouverez pas la pensée : car rien n’est ni ne sera, excepté l’être, puisque la nécessité a voulu que l’être fût le nom unique et immobile du tout, quelles que fussent à ce sujet les opinions des mortels, qui regardent la naissance et