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SIXIÈME ENNÉADE.

Dieu a donné aux animaux des sens et des facultés ; mais c’est une grande question de savoir s’il les a réellement donnés et de quelle manière il les a donnés.

En effet, si l’on admet qu’en Dieu aucun acte n’est imparfait, s’il est impossible de concevoir en lui rien qui ne soit total et universel, chacune des choses qu’il contient renferme en soi toutes choses. Ainsi, le futur même étant déjà présent à Dieu, il ne saurait y avoir en lui rien de postérieur ; mais ce qui est déjà présent en lui devient postérieur dans un autre être. Or, si le futur est déjà présent en Dieu, il doit y être présent comme si ce qui arrivera était déjà connu, c’est-à-dire, il doit être disposé de telle sorte qu’il ne se trouve exposé à manquer de rien lorsqu’il se réalisera, de telle sorte qu’il ne manque de rien absolument. Donc, toutes choses étaient déjà en Dieu [quand les animaux furent créés] ; elles y étaient de tout temps ; elles y étaient de telle sorte que l’on devait pouvoir dire plus tard : Ceci est après cela[1]. En effet, quand les choses qui sont en Dieu viennent à se développer et à se montrer, alors on voit que l’une est après l’autre[2] ; mais, en tant qu’elles existent toutes ensemble, elles constituent l’Être universel, c’est-à-dire le principe qui renferme en lui la cause elle-même[3].

II. Par là, nous connaissons également la nature de l’Intelligence, que nous voyons encore mieux que les autres choses. Toutefois, nous ne pouvons voir quelle est la grandeur de l’Intelligence. Nous admettons en effet qu’elle possède l’essence (la quiddité, ὅτι (hoti)[4]) de chaque chose, mais

  1. Au lieu de τόδε μετὰ τόδε (tode meta tode), M.  Kirchhoff lit τόδε διὰ τόδε (tode dia tode). Cette leçon se concilie mal avec la fin de la phrase.
  2. Tout ce que Plotin dit ici de la Prescience divine est cité et commenté par Jean Philopon, Adversus Proclum de Æternitate mundi, II, 5 ; IV, 16 ; XVI, 3.
  3. C’est ce que Plotin va expliquer dans le § 2.
  4. L’essence ou quiddité est la forme déterminée qui est l’objet de la définition. Voy. Aristote, Métaphysique, liv. VII, chap. 1.