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SIXIÈME ENNÉADE.

nous remarquons que les choses sont bien réglées (car, dans le monde intelligible, la cause qui complète l’essence est intimement unie à l’essence : là-haut, l’homme n’est pas seulement intelligence, et la sensibilité ne lui a pas été ajoutée quand il est descendu dans la génération) ; s’il est ainsi, dis-je, nous avons à résoudre deux questions : Comment [si avoir des sens est impliqué dans la forme de l’homme] l’Intelligence n’incline-t-elle pas vers les choses d’ici-bas ? En quoi consistent ces sens [qu’on attribue à l’homme intelligible] ? — Dira-t-on que ces sens sont la puissance de percevoir les objets sensibles ? Mais il serait absurde que là-haut l’homme possédât de toute éternité la puissance de sentir et qu’il ne sentît qu’ici bas, que cette puissance ne passât à l’acte que quand l’âme est devenue moins bonne [par son union au corps].

IV. Pour répondre à ces questions, il faudrait remonter à

    Animal, possède des Sens, parce que la sensibilité (τὸ αἰσθητιϰόν εἶναι (to aisthêtikon einai)) est le caractère essentiel de l’Animal, comme le dit Aristote : « L’Animal n’est constitué primitivement que par la Sensibilité. (De l’Âme, liv. II, ch. 2, p. 174 de la trad.). » Plotin ajoute : ϰαὶ οὕτως αἰσθητιϰόν (kai houtôs aisthêtikon) ; c’est encore une formule d’Aristote, formule qui désigne des sens d’une nature déterminée, propres à telle espèce d’animal. 2° Il ne suffit pas de dire que la sensibilité est l’essence de l’animal : « La véritable définition doit non-seulement montrer l’existence de la chose, comme le font la plupart des définitions, mais elle doit encore en contenir la cause et la mettre en lumière (Aristote, De l’Âme, liv. II, ch. 2, p. 171 de la trad.). » En d’autres termes, il ne suffit pas de faire connaître ce qu’est (ὅτι (hoti)) l’Animal ; il faut encore expliquer pourquoi (διότι (dioti)) il est tel ; il faut, après avoir fait connaître son essence, montrer sa raison d’être ou sa cause. « Or, se demander le pourquoi, c’est toujours se demander pourquoi une chose est dans une autre (Aristote, Métaphysique, liv. VII, ch. 17). » La raison d’être de la Sensibilité, son pourquoi, c’est qu’elle est contenue dans la forme de l’Homme : ἔγϰειται ἐν τῷ εἴδει (egkeitai en tô eidei). C’est l’application du principe énoncé plus haut, savoir que la forme et la cause de l’existence sont identiques, que l’essence, le caractère propre et la raison d’être ne font qu’un.