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Page:Plotin - Ennéades, t. III.djvu/489

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SIXIÈME ENNÉADE.

est raison et intelligence dans le monde intelligible. En effet, celui qui pense le cheval intelligible, par exemple, est intelligence tout comme l’est la pensée même du cheval. Si rien n’existait que la pensée, il n’y aurait rien d’absurde à ce que cette pensée, tout en étant intellectuelle, eût pour objet un être privé d’intelligence. Mais, puisque la pensée et la chose pensée ne font qu’un, comment la pensée pourrait-elle être intellectuelle sans que la chose pensée le fût également ? Pour que cela eût lieu, il faudrait que l’intelligence se rendît elle-même pour ainsi dire inintelligente. Mais il n’en est pas ainsi. La chose pensée est une intelligence déterminée, comme elle est une vie déterminée. Or, de même qu’aucune vie, quelle qu’elle soit, ne peut être privée de la vitalité, aucune intelligence déterminée ne peut être privée de l’intellectualité. L’intelligence même qui est propre à un animal, à l’homme par exemple, ne cesse pas d’être l’intelligence de toutes choses : quelque partie que vous preniez en elle, elle est toutes choses, mais d’une manière différente ; elle est une chose particulière en acte, elle est toutes choses en puissance. Nous ne saisissons dans chaque chose particulière que ce qu’elle est en acte. Or ce qui est en acte [une chose particulière] occupe le dernier rang. Telle est dans l’intelligence l’idée du cheval, par exemple. L’Intelligence, dans sa procession continue vers une vie moins parfaite, constitue à un certain degré le cheval, et à un degré inférieur, un animal encore inférieur : car plus les puissances de l’Intelligence se développent, plus elles deviennent imparfaites. Dans leur procession, elles perdent à chaque degré quelque chose, et comme c’est un moindre degré d’être qui constitue tel ou tel animal, son infériorité se rachète par quelque chose de nouveau. Ainsi, à mesure que la vie est moins complète dans l’animal, apparaissent les ongles, les serres, ou les cornes et les dents. Partout où l’intelligence baisse d’un côté, elle se relève d’un autre côté par la plénitude de