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LIVRE SEPTIÈME.

ne pas exister, s’il ne s’aimait lui-même ? C’est donc dans une erreur naturelle [sur l’essence des intelligibles] et dans la crainte de la mort qu’il faut chercher la cause pour laquelle on qualifie de biens l’intelligence et la vie[1]. »

XXV. Platon songeait sans doute à cette objection quand il mélangeait le plaisir à la fin [de l’âme, au bien], quand il établissait, ainsi qu’il l’a écrit dans le Philèbe[2], que le bien n’est point simple et ne consiste pas dans l’intelligence seule. C’est pour cela qu’il n’a pas fait consister le bien dans le plaisir seul (et en cela il avait parfaitement raison), et qu’il n’a pas cru devoir non plus placer le bien dans l’intelligence qui n’admettrait aucun mélange de plaisir, parce qu’il ne voyait pas quelle chose pourrait en elle exciter notre

  1. C’est la théorie développée par Philèbe dans le dialogue qui porte ce nom : « Philèbe soutenait que le plaisir est la fin légitime de tous les êtres animés, le but auquel ils doivent tendre ; qu’il est le bien de tous, et que ces deux mots, bon et agréable, appartiennent, à parler exactement, à une seule et même idée. Socrate, au contraire, prétendait que cela n’est point ; que, comme le bon et l’agréable sont deux noms différents, ils expriment aussi deux choses d’une nature différente, et que la sagesse participe davantage à la condition du bien que le plaisir. » (Platon, Philèbe ; trad. de M. Cousin, t. II, p. 447.) Voy. aussi le Gorgias.
  2. « Ne sommes-nous pas convenus et ne convenons-nous pas encore que la nature du bien a l’avantage sur toute autre chose en ce point que l’être animé qui en a la possession pleine, entière, non interrompue pendant toute sa vie, n’a plus besoin d’aucune autre chose et que le bien lui suffit parfaitement ? N’avons-nous pas tâché d’établir deux espèces de vie absolument distinctes l’une de l’autre, où régnât, d’une part, le plaisir sans aucun mélange de sagesse ; et, de l’autre, la sagesse, sans aucun mélange de plaisir ? L’une ou l’autre de ces conditions a-t-elle paru suffisante à aucun de nous ?… Ainsi ni le plaisir ni la sagesse ne sont le bien parfait, le bien désirable pour tous, le souverain bien… La raison nous a fait connaître qu’il ne faut pas chercher le bien dans une vie sans mélange, mais dans celle qui est mélangée [de plaisir et de sagesse]. » (Platon, Philèbe ; trad. de M. Cousin, t. II, p. 448-450.)