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LIVRE SEPTIÈME.

saurait ni exister ni durer. Le bien de l’âme, c’est la vertu ; puis, plus haut, l’Intelligence. Le bien de l’Intelligence enfin, c’est le principe que nous nommons la Nature première (πρώτη φύσις (prôtê phusis)). Chacun de ces biens produit quelque chose dans l’objet dont il est le bien : il lui donne soit l’ordre et la beauté [comme la forme le fait à la matière], soit la vie [comme l’âme le fait au corps], soit la sagesse et le bonheur [comme l’Intelligence le fait à l’âme]. Enfin, le Bien communique à l’Intelligence ce que nous disons passer de lui en elle : il lui donne d’être un acte émané du Bien et il répand sur elle ce que nous appelons sa lumière. Quelle est cette chose ? Nous le déterminerons dans la suite.

XXVI. Quand l’être qui a reçu de la nature la faculté de sentir jouit de la présence du bien, il sait que c’est le bien et il dit qu’il le possède. Comment se fait-il donc qu’il puisse se trompera ce sujet ? — Pour qu’il se trompe, il faut qu’il y ait quelque chose qui ressemble au bien : dans ce cas, ce qui a causé l’erreur de cet être, c’est ce qui ressemble à son bien : car, dès que ce bien se présente, cet être s’éloigne de ce qui l’avait trompé. Le désir et le penchant qu’on trouve dans chaque être attestent qu’il y a pour lui un bien propre. L’être inanimé reçoit sans doute son bien d’autrui ; mais, dans l’être animé, le désir se met de lui-même à la poursuite du bien : c’est ainsi que les corps privés de la vie sont l’objet de la sollicitude et des soins des êtres vivants, tandis que les êtres vivants veillent sur eux-mêmes.

Maintenant, lorsqu’un être a atteint le bien qu’il poursuivait, il est sûr de le posséder dès qu’il se trouve meilleur, qu’il n’éprouve aucun repentir, qu’il est satisfait, qu’il se complaît dans ce bien et ne cherche rien au delà. Ce qui montre l’insuffisance du plaisir, c’est qu’on n’aime pas toujours la même chose ; sans doute le plaisir charme toujours, mais l’objet qui le produit n’est point le même ; c’est toujours un nouvel objet qui nous plaît. Or le bien auquel on aspire ne doit pas être une simple affection, n’ayant d’existence que