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LIVRE SEPTIÈME.

l’âme ne pense même pas Dieu, parce que dans cet état elle ne pense pas du tout.

XXXVI. Le reste est clair. Quant au dernier point, il en a été déjà parlé. Cependant il est bon d’y ajouter encore quelque chose en partant du degré où nous sommes parvenus et en nous avançant par des raisonnements.

La connaissance, ou, si l’on peut s’exprimer ainsi, le tact du Bien (ἡ τοῦ ἀγαθοῦ ἐπαφὴ (hê tou agathou epaphê)) est ce qu’il y a de plus grand[1]. C’est ce que Platon nomme la plus grande des sciences[2] ; et encore appelle-t-il ici science, non la vision même du Bien, mais la science que l’on a du Bien avant cette vision. Cette science est obtenue par l’étude des analogies[3], par les négations [qu’on fait au sujet du Bien[4]], par la connaissance des choses qui procèdent de lui[5], enfin par les degrés que l’on parcourt pour monter jusqu’à lui[6]. Or voici

  1. Ce passage est cité par le P. Thomassin, qui le commente en ces termes : « Tactu quodam arcano et intestino præsentissimum et intimis medullis animæ incubantem Deum contrectamus ; sed hujus contactus incorporei, imo divini, occultissima disciplina est, et experiendo magis quam disserendo comprobanda. Mens enim ut nullo intermedio manat a summo principe Deo, ejusque manu, ut ita dicara, opifice contingitur et tractatur et formatur ; ita et ipsa, quoniam contactus necessario reciprocus est, sentit illum et tangit, si modo nullo rerum exteriorum amoris visco inhærentium quasi cortice obvolvatur. » (Dogmata theologica, t. I, p. 335.)
  2. « Tu m’as souvent entendu dire que l’idée du bien est l’objet de la plus sublime des connaissances (ἡ τοῦ ἀγαθοῦ ἰδέα μέγιστον μάθημα (hê tou agathou idea megiston mathêma))… C’est là, tu le sais bien, tout ce que j’ai à te dire maintenant, en ajoutant que nous ne connaissons pas suffisamment cette idée, et que, si nous ne la connaissons pas, il ne nous servira de rien de savoir tout le reste ; de même que, sans la possession du bien, celle de toute autre chose nous est inutile. » (Platon, République, liv. VI ; trad. de M. Cousin, t. X, p. 47.)
  3. Voy. Enn. III, liv. III, § 6 ; t. II, p. 84-85.
  4. Voy. ci-dessus, § 32, p. 469.
  5. Voy. ci-dessus, § 18, p. 445.
  6. « Le vrai chemin de l’amour, qu’on l’ait trouvé soi-même ou qu’on y soit guidé par un autre, c’est de commencer par les beautés d’ici-