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SIXIÈME ENNÉADE.

l’exécution : car nous n’en sommes pas toujours maîtres. Mais si l’on attribue la liberté à l’âme qui fait le bien et qui agit en tout par elle-même, on a raison. — Comment cela dépend-il de nous ? — Comme il dépend de nous d’être courageux quand il y a une guerre. Toutefois, en admettant qu’il dépende alors de nous d’être courageux, je remarque que, s’il n’y avait pas de guerre, nous ne pourrions faire d’action de cette nature. De même, dans toutes les autres actions vertueuses, la vertu dépend toujours de circonstances accidentelles qui forcent de faire telle ou telle chose[1]. Or, qu’on donne à la vertu la faculté de décider si elle souhaite des guerres pour faire preuve de courage, des injustices pour définir et faire respecter les droits, des pauvres pour montrer sa libéralité, ou si elle aime mieux rester en repos parce que tout est dans l’ordre, ne préférera-t-elle pas pouvoir se reposer parce que personne n’aura besoin de ses services[2] ? C’est ainsi qu’un bon médecin, Hippocrate par exemple, souhaiterait que ses soins ne fussent nécessaires à personne. Si donc la vertu appliquée aux actions est forcée de s’occuper de telles choses, comment pour-

  1. « La vie qu’on peut placer au second rang, après cette vie supérieure, c’est la vie conforme à toute vertu autre que la sagesse et la science : car les actes qui se rapportent à nos facultés secondaires [aux facultés inférieures à l’entendement] sont des actes purement humains… Il en est de même de quelques actes qui paraissent ne tenir qu’à des qualités du corps ; et dans beaucoup de cas, la vertu morale du cœur se lie étroitement aux passions, etc. » (Aristote, Morale à Nicomaque, liv. X, ch. 8 ; trad. fr., t. II, p. 458.)
  2. « Toutes les vertus pratiques agissent et s’exercent soit dans la politique, soit dans la guerre. Mais les actes qu’elles exigent paraissent ne pas laisser à l’homme un instant de relâche, spécialement ceux de la guerre, d’où le repos est absolument banni. Aussi, personne ne veut-il jamais la guerre, ou ne prépare-t-il même la guerre pour la guerre toute seule. Il faudrait être un véritable assassin pour se faire des ennemis de ses amis et provoquer à plaisir des combats et des massacres. Quant à la vie de