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LIVRE NEUVIÈME.

autour de lui ; néanmoins, nous ne fixons pas toujours sur lui notre regard : nous ressemblons à un chœur de chanteurs qui entoureraient toujours le coryphée, mais qui ne chanteraient pas en mesure parce qu’ils détourneraient de lui leur attention en la portant sur quelque objet extérieur, tandis que, s’ils se tournaient vers le coryphée, ils chanteraient bien et ils seraient véritablement avec lui. De même, nous tournons toujours autour de l’Un, même lorsque nous nous en détachons tout à fait et que nous ne le connaissons plus. Nous n’avons pas notre regard toujours fixé sur l’Un ; mais quand nous le contemplons, nous atteignons le but de nos vœux, et nous jouissons du repos[1] ; nous ne sommes plus en désaccord et nous formons véritablement autour de lui un chœur divin.

IX. Dans ce chœur, l’âme voit la source de la Vie, la source de l’Intelligence, le principe de l’Être, la cause du Bien, la racine de l’Âme. Toutes ces choses découlent de l’Un sans le diminuer. Il n’est point en effet une masse corporelle ; sinon, les choses qui naissent de lui seraient périssables. Or elles sont éternelles, parce que leur principe reste toujours le même, qu’il ne se partage pas pour leur donner naissance, mais qu’il demeure tout entier[2]. Elles durent, comme la lumière dure tant que le soleil dure lui-même[3]. Quant à nous, nous ne sommes point séparés de l’Un, nous n’en sommes point distants, quoique la nature corporelle, en Rapprochant de nous, nous ait attirés à elle[4]. Mais c’est en l’Un que nous respirons, c’est en lui que nous subsistons[5] : car Une nous a pas donné une fois

  1. Plotin emploie ici une expression d’Héraclite, ἀνάπαυλα (anapaula) (Voy. Enn. IV, liv. VIII, § 5 ; t. II, p. 487, note 5), mais il lui donne un autre sens.
  2. C’est une idée empruntée à Numénius. Voy. notre tome I, p. cii-ciii.
  3. Voy. Enn. II, liv. III, fin ; t. I, p. 193.
  4. Voy. Enn. I, liv. VIII, § 14 ; t. I, p. 137.
  5. ἐμπνέομεν ϰαὶ σωζόμεθα (empneomen kai sôzometha). Ces expressions rappellent les paroles de saint Paul : « Il n’est pas loin de chacun de nous, puisque c’est en lui que nous