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OLYMPIODORE.

En effet Platon ne tire pas ses arguments des deux modes de mort ou de dissolution, comme Plotin ; il ne se propose pas le même but dans sa démonstration, mais il prouve que l’âme est une essence plus durable que le corps parce qu’elle ressemble davantage aux choses divines[1]. Cependant, lors même que la démonstration de Plotin serait fondée sur les mêmes arguments que celle de Platon, il ne s’en suivrait pas qu’elle fut sans valeur pour établir l’immortalité complète de l’âme : car Plotin fait voir que l’âme est séparable de tout corps ; mais, tout en existant par elle-même, l’âme pourrait défaillir avec le temps, comme on le voit par le raisonnement, et comme Cébès le suppose à la fin du dialogue[2]. (Olympiodori Scholia in Phœdonem, p. 129.)

II. Plotin a cru démontrer le premier l’immortalité de l’âme en établissant qu’elle est incorporelle et séparable du corps : car les choses sujettes à la mort périssent pour l’une de ces deux raisons, soit parce qu’étant composées elles se divisent dans les éléments dont elles sont composées, soit parce que n’existant que dans un sujet elles se dissolvent avec lui. Platon a aussi donné cette démonstration dans ce dialogue, en prouvant que l’âme n’est pas corporelle puisqu’elle n’est pas composée ni visible, et que l’âme n’est pas non plus dans un corps, puisqu’elle commande et qu’elle pense. Selon Proclus, l’argument de Plotin ne suffit pas pour établir complètement l’immortalité de l’âme : « L’âme peut exister, dit-il, dans un autre corps qui ne se dissolve pas comme ce corps terrestre, de telle sorte que, quoiqu’elle ne périsse pas parce qu’elle n’est pas dans ce corps terrestre comme dans un sujet, rien n’empêche cependant qu’elle ne subsiste fort longtemps dans cet autre corps auquel elle est unie[3]. » Telle est l’objection que Proclus adresse à Plotin. Mais il ne faut pas regarder l’argumentation que nous examinons ici comme semblable à celle de Plotin : car celui-ci se fonde sur les deux espèces de mort, et il montre que, puisque l’âme est séparable, elle n’est pas susceptible de mourir. Au contraire, le raisonnement de Platon se fonde sur la similitude [de l’Âme] avec ce qui est éternel et sur la similitude [du corps] avec ce qui change sans cesse. Ensuite, lors même que l’argumen-

  1. Voy. Porphyre, Traité de l’Âme, dans le tome II, p. 619.
  2. Voy. Platon, Phédon, trad. de M. Cousin, t. I, p. 253-255.
  3. Il s’agit ici du corps éthéré, que Proclus supposait inséparable de l’Âme. Sur le corps éthéré, Voy. Jamblique, Traité de l’Âme, dans le tome II, p. 656.